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ner, connue la déclaration suivante paraît vouloir l’indiquer, pour l’histoire de ce mouvement : « Nous expliquons les gestes naturels, mais nous n’établissons ni une théorie, ni un système, car nous vulgarisons en même temps toutes tendances vers une vie naturelle : Naturianisme, Vie simple, Néo-Naturianisme ou Naturianisme libertaire, Vie nomade, Naturianisme égalitaire, Sauvagisme, Végétarisme, Fruitarisme, Antivivisectionnisme, Culture physique, etc… Nous sommes Néo-Naturiens, c’est-à-dire des anti-sectaires, enregistrant tout mouvement se manifestant vers une vie harmonieuse et anti-artificielle, et nous mêlant parfois, si nous le jugeons utile, aux événements sociaux d’actualité. Si nous sommes scientifiques de par notre étude des lois naturelles, nous sommes anti-scientifiques en ce sens que nous condamnons l’industrialisme obligatoire et collectif, contraire à une existence libre et heureuse. » (Zisly, La Vie naturelle, no 5, déc, 1911.)

À noter que cette déclaration ne répudie plus le végétarisme, alors que le naturianisme d’antan comportait des déclarations anti-végétariennes.

Il faut attendre l’année l920 pour voir se créer un mouvement néo-naturien. Jusqu’à cette époque, le néo-naturianisme fait peu parler de lui, le naturianisme ayant davantage influencé et laissé dans les milieux libertaires des traces plus certaines.

En effet, fin d’année 1919, dans la petite commune de Chatillon-sur-Thouet, voit se fonder Le Néo-Naturien, revue qui arborait fièrement en son frontispice, la devise « Beauté-Liberté », « Art et Nature » ; elle avait groupé une collaboration éclectique et répandait les différentes conceptions de la vie naturelle.

Parmi ses collaborateurs parisiens, figuraient les pionniers du végétalisme alors naissant : G, Butaud, S, Zaïkowska et L. Rimbault ; Henri Zisly, vétéran du naturianisme ; Gérard de Lacaze-Duthiers, créateur de l’Artistocratie ; Aug. Trousset, auteur de « Civilisation et Naturianisme » ; des végétariens, etc…

Le Néo-Naturien, par sa tenue, par ses informations provenant des cinq parties du monde, puis par ses travaux — dans lesquels le néo.naturianisme fut développé et créé théoriquement — devint la revue mondiale du néo-naturianisme ; c’est de cet organe que devaient partir également les premières idées naturocratiques, tentative de vulgarisation de l’étude naturographique et l’embryon de l’Internationale naturophile.

Le néo-naturianisme sut rester éclectique et tolérant, et son organe contribua largement à répandre le végétalisme. Comme le naturianisme, il est anti-scientifique ; mais, à l’encontre de ce dernier, il possède peu de théoriciens. Le néo-naturianisme n’est pas mystique, il n’a pas de règles de vie monastique, pas de religiosité, il porte en ses formes, en ses façons de s’exprimer, une certaine jovialité, qu’il hérita du naturianisme. Comme lui, il n’est pas puritaniste, il échappa aux momifications où certains mouvements végétarianistes et naturistes, sous l’influence de principes — pour la plupart — d’origine angle-saxonne se réfrigérèrent dans une sorte d’anabiose.

Il a encore en lui les empreintes du gavrochisme et de la bohème, où son enfance s’ébaucha parmi les novateurs parisiens, avec l’artiste Em. Gravelle, le chansonnier montmartrois et rabelaisien Paul Paillette, Beylie, Ichalanda, Bonnery, Fouques jeune ; puis, plus tard, Aug. Trousset.

Il n’existe pas de mystique naturianiste. Le néo-naturianisme est éclectique dans ses principes comme dans ses applications ; pas d’exclusivisme alimentaire, végétaliste ou autre, pas de dogmes, pas d’absolutisme., Il fait sien tout ce qui peut constituer la vie des hommes hors des villes infernales, parmi les bois, les plaines, les rivières et les côtes ; il admet la pêche, la

chasse, les cultures simples, l’apiculture. La vie au grand air, le camping, la liberté sont ses assises.

Protecteur de la forêt, du fruit, des végétaux sauvages, des oiseaux insectivores, il combat le déboisement, la pollution de l’air et des cours d’eau.

Dans la famille naturophile, il fait bon voisinage avec le végétalisme, le fruitarisme et le naturocratisme.

Dans la grande famille libertaire, il lutte fraternellement aux côtés des autres tendances.

Le néo-naturianisme est un réactif contre notre époque de décadence et de dégénérescence, contre la vie de laideur que crée notre société industrialiste standardisée, taylorisée, où l’individu est broyé.

À la ville tentaculaire, au luxe insolent,, au mensonge, à la chimie meurtrière, à la vie artificielle, aux forces du mal et de la contrainte, le néo-naturianisme oppose son principe de vie : « La Liberté dans la Nature ». — Henry Le Fèvre


NATURISME n. m. (du latin natura). « Système ou opinion de ceux qui attendent tout des seules forces de la Nature ». Voilà ce qu’on lit en ouvrant à ce mot le dictionnaire Larousse.


C’est, en effet, à désigner la doctrine médicale d’Hippocrate, père de la médecine, que le mot Naturisme a été tout d’abord consacré. Deux principes dominent cette doctrine : 1o  la phagys ou nature médicatrice ; 2o  le théion ou puissance divine. La nature médicatrice régit l’organisme, le protège contre l’invasion des maladies. La puissance divine domine la nature médicatrice et, dans maladies de l’ordre surnaturel, paralyse en même temps ses efforts et ceux de l’art. Bien des siècles ont passé depuis Hippocrate ; la médecine et les doctrines médicales ont beaucoup changé, évolué et plus encore le sens du mot naturisme.

La médecine chimique et microbiologique a relégué dans l’ombre le mot naturisme avec son sens hippocratique et, repris aujourd’hui par quelques apôtres clairvoyants et audacieux, il rebondit avec un sens tout autre et beaucoup plus large. Un de ces apôtres parmi les plus qualifiés : le Dr  André Durville, qui a créé la revue Naturisme, en donne la définition suivante : « La doctrine naturiste est la synthèse rationnelle et harmonieuse de tous les moyens naturels qui permettent à l’être humain de réparer ses tares, de se maintenir en santé, de devenir fort, équilibré et bien pensant. »

Pour ce qui est de ses origines, ceux-là errent gravement qui les prétendent allemandes. Ce sont, en effet, deux Français : le Dr  Montennis, de Nice, et le Dr  Pascault qui ont, les premiers, exposé les directives permettant de créer, sur des hases solides, la médecine de la Nature. Les premiers, ils attirèrent l’attention sur l’abus que l’époque moderne fait des drogues, montrèrent l’importance qu’ont, pour l’édification et la conservation de la santé, l’alimentation simple, saine, naturelle, surtout végétale et fruitarienne, les cures d’air, de soleil et d’eau. Ayant ainsi défini le naturisme — actuellement objet d’un grand mouvement — et bien fixé ses origines, le Dr  André Durville ajoute qu’il ne peut être qu’une conception large, généreuse, impersonnelle ; il ne doit pas être une chapelle, il ne doit avoir ni pape, ni officiants ; il doit exclure l’idée religieuse. Il doit apprendre à vivre à ses adeptes, à vivre sainement, moralement et laisser au prêtre le soin de poser la question théologique.

C’est à tort également qu’on attribue à l’Autrichien Priesnitz et à l’Allemand Kneip, de Wiesbaden, les premiers traitements par l’eau ; car dès le xviiie siècle, le médecin français Pomme a été un défenseur enthousiaste des cures d’eau ; il fut suivi par Recamier, Lisfranc, Dupuytren, Beni-Barde (1878). L’Autrichien Racklin passe pour avoir le premier vanté la cure de soleil ; or Turcla, médecin. français, l’avait