Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NAT
1777

pratiquée avant lui. L’Allemand Basedow a été l’apôtre de la médecine sportive et a, en 1771, essayé de recréer les Jeux Olympiques ; mais dès 1723, en France, Audry avait tout dit des bienfaits du sport. Tels sont ceux à qui revient le mérite d’avoir découvert et, les premiers, appliqué cette incomparable méthode. Ceci dit, dans l’unique souci d’une documentation exacte, il n’en reste pas moins vrai que le naturisme, ainsi défini doit beaucoup de ses progrès, de ses applications et de son développement aux médecins et hygiénistes d’un peu partout et, notamment aux Allemands. En France, le naturisme est resté synthétique, c’est-à-dire qu’il englobe :

1° La cure alimentaire ;

2° La cure d’eau (hydrothérapie) ;

3° La cure de soleil (héliothérapie) ;

4° La cure d’air (aérothérapie) ;

5° La cure de mouvement (kinésithérapie).

Après leur père, Hector Durville, les frères Durville y ont ajouté la cure mentale.

En Allemagne, on a cru bon de subordonner le tout à la partie, c’est-à-dire au nudisme, lequel supprime, ou à peu près, l’action de l’aliment et du mouvement, pour ne conserver que l’action de l’air, du soleil et de l’eau. Autre différence : tandis que, en France, le naturisme se tient, jusqu’ici, à l’écart de toute tendance politique ou sociale, en Allemagne, ces deux tendances paraissent dominer le mouvement nudiste et on pourrait presque dire qu’elles lui impriment ses directives : il y a, outre-Rhin, le nu socialiste et le nu réactionnaire, tandis que, en France, au point de vue spécial du nudisme, il n’y a que des nudistes intégraux et des mitigés, c’est-à-dire ceux qui proscrivent le slip, le simple caleçon et ceux qui l’admettent, voire l’exigent.

L’attitude des Pouvoirs publics, dans les pays où l’on pratique ou tente de pratiquer le nudisme présente de notables différences. C’est ainsi que, en France, les Pouvoirs publics se sont montrés, à l’égard du Nudisme, tantôt indifférents, tantôt hostiles, sans, du reste, avoir encore arrêté à son endroit leur ligne de conduite définitive ; chez nos voisins, le gouvernement, après quelques hésitations, devant les grands avantages que cette méthode semble lui offrir, pour l’avenir de la race, non seulement n’inquiète pas les nudistes intégraux, mais accorde ses encouragements aux divers centres où ils la pratiquent. Aussi, depuis quelques années, ces centres se sont multipliés surtout dans l’Allemagne du Nord. Parmi les plus importants, ou du moins les plus connus, on compte celui de Dornholzhangen, près Francfort, où s’est tenu, dernièrement, le premier grand Congrès dit des hommes nus ; un autre est celui de Nackendorf. Venus des quatre coins de l’Allemagne et de huit pays d’Europe, nombreux furent les nudistes qui se déplacèrent pour assister au congrès de Francfort et aider à la constitution des textes élaborés avec soin, pour former la future Association européenne de « libre culture » et de réforme de la Vie. Les nations représentées furent, avec l’Allemagne, l’Angleterre, la France, l’Autriche, la Grèce, la Hollande, l’Italie et la Suisse.

Pour la France, avaient envoyé des délégués : Paris, Lyon, Marseille, Nice, Nantes, Alger, Rabat, Toulon. On y constata la présence des deux naturistes qui dirigent les deux grandes revues françaises : Naturisme et Vivre intégralement ; M. le Dr André Durville, et M. de Mongeot.

Chaque nation exposa ses organisations différentes et, au cours des séances, les délégués français insistèrent pour que le nudisme allemand devînt vraiment le naturisme et se rapprochât du naturisme français, en faisant une part plus grande à l’alimentation et au mouvement. Ils furent très applaudis, surtout par les Allemands, et on vota sans retard la suppression de

l’alcool et de la viande dans la mesure du possible, ainsi que le recours, en cas de maladie, à la médecine naturiste et naturelle. Furent votées également la gratuité et l’obtention d’un parc pour la « libre culture » dans chaque ville de chacun des pays représentés. Enfin on décida que la France serait chargée d’organiser les relations européennes entre membres des différents groupes libre-culturistes.

Ainsi, un grand pas fut fait pour que fût précisé en même temps qu’élargi le sens du mot « Naturisme ».

Compris dans le sens qu’il doit avoir, après intégration du Nudisme intégral, le Naturisme apparaît à certains, parmi les enthousiastes qui le pratiquent et méditent sur ses bienfaits, beaucoup plus qu’une méthode infaillible de bien se porter et de vivre longtemps en bien pensant, car ils y voient encore la Religion de l’avenir. La plupart des religions, en effet, et le christianisme surtout, sont nées des misères innombrables de l’humanité, de l’Universelle Douleur, comme dit Sébastien Faure. Elles sont et furent toujours pour elle des consolatrices faussement jugées par elle comme indispensables. En délivrant l’homme de ses tares tant physiques que morales, en lui donnant le mens sana in corpore sano qui est le dernier mot de tout, le Naturisme lui rendra la vie non seulement supportable, mais belle, douce, bonne et désirable infiniment. Et l’homme n’aura plus besoin d’être consolé, ni de rêver de chimériques paradis. Le Soleil, l’Air et l’Eau, voilà la véritable trinité qu’il jugera désormais digne de ses adorations. — Paul Vigne d’Octon.


NATURISME n. m. (du latin : natura). Littré a défini le naturisme : « Le système dans lequel la nature est considérée comme l’auteur d’elle-même. » C’est la base métaphysique du naturisme, celle qui le fait envisager comme « religion de la nature ». Mais, cherchons lui des explications moins doctrinales et moins sévères ; il en vaut la peine, comme tout ce qui est de la nature.

Entendons-nous d’abord sur le mot religion. Malgré toutes les interprétations qu’on lui a données pour lui attribuer des origines et des visages fort différents, la religion ne peut être expliquée autrement que l’a fait Élisée Reclus : « L’enfant, homme ou peuple, ne saurait admettre la moindre hésitation quant à la causalité de tout ce qui frappe ses sens : il exige une réponse à toutes les questions qui se posent devant lui ; mais n’ayant encore aucune science positive, il doit, pour comprendre l’univers, se contenter des hallucinations de sa vue, des rêves incertains de sa pensée, des interprétations que lui donnent sa peur ou son désir ; il ne sait pas, mais il croit, et se sentirait irrité si l’on émettait le moindre doute sur l’objet de sa foi que partagent avec la même assurance les amis et les compagnons de clan, tous ceux qui se trouvent sous l’action d’un milieu identique. Cet ensemble de croyances illusoires et d’espérances chimériques, ces légendes incohérentes sur le monde visible et invisible, ces récits primitifs que la tradition recueille et que la puissance de l’hérédité transforme en dogmes absolus, sont ce qu’on appelle la religion. »

Pour l’homme le plus primitif comme pour le plus savant docteur, la religion n’a jamais été autre chose en tous les temps et sous toutes les latitudes. Celui qui croit en la puissance thérapeutique des « Saintes Épines », fût-il un Pascal, celui qui s’agenouille devant une croix fût-il un Pasteur, porte en lui les mêmes sentiments primitifs que le nègre attendant sa guérison de son gris-gris, que le premier homme ayant dansé au clair de la lune pour implorer ce luminaire.

D’autre part, Voltaire a écrit ce qui suit sur la religion des premiers hommes : « Pour savoir comment tous les cultes ou superstitions s’établirent, il me semble qu’il faut suivre la marche de l’esprit humain