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les îlots qu’ils aménagent et peu leur chaut qu’ils n’existent qu’en fonction de l’océan. Une seule chose leur importe, vivre, entre eux, pour eux, le maximum des sensations, des jouissances qui leur sont « naturelles », en compagnie de ceux qu’ils ont amenés à les joindre par l’action de leur propagande individuelle. — E. Armand.


NATUROCRATISME n. m. Le naturocratisme est une synthèse des idées de nature et est appelé, selon l’avis de Henry Le Fèvre, à être la sagesse qui présidera à l’existence des individus vivant d’après les lois de la nature ; c’est, en quelque sorte, la philosophie découlant de la nature elle-même. Et, pour une précise définition du naturocratisme, je ne puis mieux faire que de donner une citation parue dans Le Néo-Naturien de février 1924.

C’est encore Henry Le Fèvre qui nous explique les premières notions sur ce qu’on peut appeler les bases du naturocratisme. Il s’exprime ainsi : « Le naturocratisme a pour base réelle la reconnaissance des forces naturelles et leur évolution, l’étude des possibilités d’adaptation de l’homme au milieu naturel et non la modification dudit milieu. Le naturocratisme procède d’une méthode à la fois inductive et déductive, basée sur la constatation et sur l’étude des lois naturelles.

L’idée ne doit pas guider seule les hommes et régir les sociétés humaines. Ce sont les conditions climatériques et le mouvement infini et varié de la vie qui doivent déterminer l’ensemble des actes des hommes vers une cohésion vraiment harmonique et logique basée sur les lois naturelles. L’idée ne peut devenir dominante et ne devient une force réelle que lorsqu’elle s’inspire, s’adapte et se joint réellement aux forces naturelles, aux lois du mouvement et de la vie.

Le naturocratisme n’est pas une sorte de fatalisme primitif, il est la connaissance qui pousse l’individu il être beau en lui-même, qui lui sert de conduite lui permettant d’évoluer parallèlement avec le mouvement naturel de la vie, sans souiller la nature qui le détermina et sans s’en écarter, puisque son passage dans la vie organisée n’est qu’un stade éphémère.

L’économie naturocratique a comme base les besoins en rapport avec le milieu climatérique et naturel, ainsi que la connaissance des mouvements utiles aux actes principaux et normaux de la vie de l’homme, les besoins et les rapports étant à la base de toute économie.

« Bases philosophiques et sociales du naturocratisme. — Le naturocratisme, s’appuyant sur des faits naturels, n’est que le contrôle et la classification de ces faits. Selon les ondulations de la courbe naturelle, le naturocratisme se plie, il prend des nuances différentes selon les latitudes sous lesquelles il est admis et pratiqué. Car, jusqu’à ce jour, presque toutes les races humaines, toutes les civilisations ont voulu modifier la nature, adapter le milieu, dévier les lois naturelles, alors qu’il fallait s’adapter au milieu et se laisser régir par les lois naturelles. Les lois sociales et économiques ne sont rien, si ce n’est des maux et des chaînes. Le naturocratisme doit mettre en relief la puissance d’adaptation de l’homme, ses besoins, ses degrés de sociabilité, sa physiologie, sa psychologie, ce qu’il lui faut pour vivre, pour rire, pour être beau, puis enfin le rôle des arts et de la pensée, car l’homme est de par ses hérédités et sa conformation, un animal d’un genre spécial qui a de véritables besoins autres que la nourriture Il s’agit de les découvrir en ce qu’ils ont de naturel. »

Naturocratisme est un néologisme créé par Henry Le Fèvre qui s’est largement étendu sur le sujet renfermé dans ce nouveau vocable en un volume à paraître sous le titre : « Essai de Naturoratisme ». — Henri Zisly.


NATUROPHILIE n. f. Les naturophiles ou adeptes ; de la naturophilie sont, en quelque sorte, des partisans anti-sectaires, anti-dogmatiques, de la vie naturelle réalisée.

Le créateur de ce néologisme, Henry Le Fèvre, nous en donne cette précise définition : « Par naturophilie, j’entends l’ensemble des idées et des principes de vie naturelle ; sous cette dénomination j’ai voulu grouper toutes les tendances des idées de nature, comme toutes les formes de réalisation de vie naturelle, naturienne, naturiste, naturocrate, néo-naturienne, etc…, Ce vocable pris dans son sens étymologique aura la propriété de réunir sur lui tous les Amis de la Nature, à quelque tendance qu’ils appartiennent. »

J’extrais ces lignes du Néo-Naturien, numéro d’octobre-novembre 1923. Depuis cette époque, aucune modification n’a été apportée à ce texte, ni à son esprit. — Henri Zisly.


NÉANT n. m. (du latin ne, non et ens, entis être). — Ce terme est un de ceux dont le sens très clair, subjectivement, s’obscurcit en proportion des efforts tentés par les philosophes pour en préciser, objectivement, l’impossible réalité. En fait, le néant. n’étant rien et nos représentations mentales, sources de toutes nos pensées, ne pouvant se former que par des images sensorielles et leurs rapports entre elles, il s’ensuit que nous ne pouvons avoir une représentation du néant, pas plus que nous ne pouvons nous représenter une couleur inconnue, ou une saveur inexistante. Cela étant, nous ne pouvons penser le néant.

Pourtant, dira-t-on, on peut se représenter l’absence de quelque chose. Cela est inexact. L’analyse introspective nous montre qu’il y a, ici, liaison entre deux représentations : l’une antérieure, qui nous fait connaître l’existence de l’objet et des réalités ambiantes l’accompagnant ; l’autre actuelle, qui nous montre l’existence de ces réalités seules, avec impossibilité d’user de l’objet en question.

Si l’on pousse l’analyse plus loin, on peut même s’apercevoir qu’il y a presque superposition et simultanéité de deux états mentaux : d’une part l’image antérieure de l’objet qui reste présente à notre conscience ; de l’autre, l’image du présent qui s’impose comme une impossibilité d’action et de liaison avec l’image antérieure. Il est probable que, physiologiquement, cette impossibilité d’action se traduit en nous par une déficience organique créant tous les états connus, depuis la simple déception, jusqu’au regret et la hantise aiguë.

La conception du néant primitif, sorte d’état imaginaire, d’où serait sorti le monde est une de ces pauvres inventions que les hommes ignorants ont imaginées par faiblesse intellectuelle, pour mettre un terme à leurs efforts investigateurs sur l’origine des choses. Il se différencie tout de même du chaos grec, d’une conception plus savante, laquelle admettait probablement un état primitif inorganisé des éléments du monde.

Cosmologiquement, le néant, le vide absolu n’ont pas plus de sens réel que l’infini et ne peuvent pas plus se concevoir, bien qu’il faille admettre et le vide, et l’infini. Ici, le vide s’entend comme intervalle ou distance entre deux points matériels (j’appelle matérielle toute chose affectant nos sens). Toutes les découvertes de la physique moderne tendent à démontrer un mouvement prodigieux de particules extraordinairement minuscules, séparées par des distances énormes par rapport à leurs dimensions propres. Ainsi, ce vide, sorte de mesure de deux points de l’espace (deux sensations) s’apparente quelque peu à la durée, qui mesure également deux faits successifs, deux sensations, dans le temps.

On peut aisément comprendre que l’espace ainsi mesuré n’est pas du vide, du néant en soi, comme le suppose Kant, mais qu’il correspond à une réaction physiologique de l’être vivant s’adaptant à une réalité objec-