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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/442

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NEC
1786

Il y a donc quelque chose dont les attributs propres ne dépendent point du dehors (ne serait-ce que le mouvement), car il faudrait encore reporter au dehors, à un autre quelque chose, les attributs que l’on nie à cette première chose, ce qui est reculer l’explication.

Ces attributs peuvent-ils être considérés comme libres on comme nécessaires ? Nous sommes, ici, au cœur même de la question du déterminisme. Remarquons que les attributs ne tiennent l’existence que d’eux-mêmes ; quant à leur origine et leurs particularités, ils sont libres, bien que se modifiant mutuellement et perpétuellement dans leurs mouvements ; mais l’esprit répugne à admettre une telle possibilité car si le vieil anthropomorphisme nous fait douer ces attributs de la faculté d’être facultativement ceci ou cela, sans raison, une chose ne peut être (pour notre compréhension habituelle) qu’une chose à la fois et non plusieurs choses différentes ou contradictoires. Si donc elle est ce qu’elle est, et non autre chose, c’est qu’elle ne peut être cette autre chose. Nous voyons là encore un caractère de nécessité. Il nous est impossible de concevoir qu’une chose puisse être plusieurs choses en même temps ni changer d’elle-même sans motif. Tout porte donc le caractère de la nécessité.

Cela vient de ce que nous ne pouvons concevoir de changements, de variations sans causes antérieures les déterminant. Ce qui recule indéfiniment le problème des causes déterminantes, sans le résoudre.

En réfléchissant suffisamment, il n’est pas plus pénible d’admettre qu’une chose puisse être, sans motif antérieur, soudainement, autre chose que d’admettre que, sans autre motif antérieur, cette chose soit actuellement ce qu’elle est. L’incompréhensible n’a pas de mesure. Si l’on admet une chose incompréhensible, on peut en admettre une quantité indéfinie.

Le caractère de la nécessité ne serait donc pas exclusivement le fait de l’invariabilité et de la répétition, mais, plutôt, celui de l’existence même : Est nécessaire ce qui est. En réalité, nous sommes, ici, en dehors du champ de l’expérience, dans le pur domaine de l’imagination, avec le seul guide de notre logique, tirée de l’expérience sensorielle ; laquelle n’a plus aucune mesure avec des faits qui se passent à une échelle de grandeur qui n’affecte plus notre sensibilité.

Les seules explications que nous puissions nous donner, dans ce domaine extra-sensible, sont plutôt des inventions, des jeux de notre esprit, auxquels nous ne pouvons que demander certaines conditions de logique pour ne point heurter notre bon sens, Ce qui porte, pour nous, le caractère de la nécessité, ce sont surtout les faits prévisibles s’appliquant aux phénomènes se déterminant les uns les autres. La logique humaine, notre raison issue des réactions de la substance vivante contre les forces du milieu, nous fait connaître ces nécessités qui sont comme les bornes mêmes de toute vie, hors desquelles notre existence est compromise ou en danger. La seule morale possible et acceptable pour les humains ne devrait être qu’une morale basée sur ces nécessités inéluctables, imposées par les lois naturelles à tous les êtres vivants. C’est en connaissant exactement ces nécessités que l’homme pourra triompher de la nature et l’utiliser à son avantage, pour son bien-être et sa conservation. — Ixigrec.


NÉCESSITÉ n. f. Je veux bien qu’un très grand nombre des acquisitions de l’homme aient été faites sous l’empire de la croyance à la liberté métaphysique. On a même prétendu que ces acquisitions auraient été moins rapides si cette croyance n’avait pas dominé l’horizon de la pensée humaine. C’est une question qui demande il être discutée à fond et sérieusement. Pour ma part, je crois que la nécessité, dans la plupart des cas, est à l’origine des conquêtes ou des « progrès de l’esprit

humain », pour parler comme Condorcet. D’ailleurs, le problème n’est plus là. Puisqu’il est entendu que l’unité humaine n’est pas libre, mais qu’elle possède, dans une certaine mesure, la faculté d’opposer son déterminisme personnel au déterminisme ambiant, de le combattre même, — éthiquement et socialement s’entend — il appartient à l’animateur, à l’initiateur, au propagandiste d’insister avec puissance sur le rôle dévolu à la volonté de résistance et d’affirmations personnelles, à l’action de l’association des déterminismes individuels dans la lutte pour la conquête d’acquis nouveaux, de nouvelles utilisations, de connaissances nouvelles, de nouveaux procédés ou modes d’existence permettant à l’être humain d’évoluer avec plus d’aisance. En deux mots, il appartient à l’éducateur — si l’on préfère ce mot — de démontrer que la nécessité n’est pas un générateur de crainte ou de résignation, mais un facteur d’évolution, d’épanouissement, dans tous les cas. — E. Armande siècle.


NÉCROMANCIE n. f. (du grec : necros, mort ; manteia, divination). C’est à évoquer les morts, pour connaître l’avenir ou découvrir les choses cachées, que visait l’antique nécromancie. Afin de recevoir les réponses souhaitées, les Thessaliens arrosaient un cadavre de sang chaud, non sans avoir accompli, au préalable, mes expiations et le sacrifices requis. Les légendes grecques reviennent souvent sur l’évocation des morts : Ulysse se rend au pays des Cimmériens pour consulter l’ombre de Tirésias ; Orphée va en Thesprotie pour rappeler celle d’Eurydice. Moïse défendit, sous peine de mort, la nécromancie que les Juifs pratiquaient volontiers. Bien qu’il eût chassé les magiciens de son royaume Saül alla secrètement consulter la pythonisse d’Endor, la veille de la bataille de Gelboë. Ce fut, d’après la Bible, pour s’entendre dire par le grand-prêtre Samuel, mort depuis deux ans : « Demain tu seras avec moi. » Durant tout le moyen-âge, les nécromanciens jouèrent an grand rôle. Ils n’ont pas disparu ; spirites et autres évocateurs de trépassés sont leurs modernes successeurs. Vers 1848, deux jeunes américaines nommées Fox entendirent des coups qu’elles attribuèrent à un homme décédé dans la maison ; une convention établie par ces demoiselles permit bientôt des conversations suivies : un coup signifiait « oui », deux coups « non ». Ce fut le début des tables tournantes et frappantes, dont la fortune fut considérable dans la seconde moitié du xixe siècle, aussi bien en Europe qu’en Amérique. Mais l’on s’aperçut que certaines personnes jouaient un rôle prépondérant dans la production de ces phénomènes ; on les appela des médiums. Par leur intermédiaire, nous entrerions en rapport avec les esprits désincarnés. Après la mort, ces derniers qui vivent d’une existence transitoire et se décident avec peine, semble-t-il, à quitter les zones terrestres, rôdent autour de nous. C’est pendant cette période d’errance, où l’âme reste environnée du perisprit ou corps astral, qu’elle parvient à se manifester aux vivants. Plus tard, elle devra s’incarner à nouveau, soit sur notre planète, soit sur une autre, selon son degré d’évolution. Les défunts peuvent entrer en communication avec nous de bien des manières : certains médiums écrivent avec un crayon, une planchette, etc., on a alors l’écriture automatique ; d’autres dessinent ; d’autres parlent et ne peuvent s’empêcher de prononcer « des paroles dont ils ne soupçonnent pas le sens et qu’ils sont tout surpris d’entendre » ; d’autres gesticulent ou imitent la voix, les gestes, la tournure d’un défunt ; d’autres, par leur seule présence, provoquent des mouvements ou des bruits, etc… Enfin, toujours grâce aux médiums, on parvient. dans certains cas, à voir les esprits, à les photographier, à prendre des moulages de leurs mains ou de leurs pieds. Une mystérieuse substance, l’ectoplasme,