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OCC
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un émotif, vous n’aurez point de repos que la solution ne soit trouvée et, comme elle est du domaine des impossibilités, vous resterez incessamment dans un état d’angoisse pénible, plongé dans une sorte de rumination perpétuelle où les interrogations succèderont aux interrogations, lesquelles ne feront que grossir le problème et ses inconnus. Torture indicible, épuisant les malades dont l’état lamentable est à la merci seule des narcotiques.

Le pire est que le doute surgira sous une forme angoissante, mais ridicule, pour des objets insignifiants. Ai-je bien fermé ma porte en sortant de chez moi ? Ai-je bien timbré la lettre que je viens de jeter à la boîte ? J’en suis bien sûr et pourtant je doute, etc., etc…

La folie du doute est la vraie névrose d’angoisse. On la retrouve sous des aspects plus ou moins atténués dans d’autres obsessions : je cite, au hasard, la pyromanie ou impulsion à mettre le feu, l’impulsion au suicide, l’impulsion au meurtre, l’obsession des mots et de toutes les superstitions qui peuvent en découler, l’obsession des chiffres : chiffres fatidiques comme le chiffre 13, l’obsession irrésistible de compter ; je n’en finirais pas. Ce qui caractérise la plupart de ces obsessions-torture, c’est l’inanité de leur objet, vanité que le sujet conscient est le premier à reconnaître. Il en rit tout en en souffrant. Il y succombe tout en protestant. L’automatisme nous guette, pour peu que nous affaiblissions nos centres de résistance et je ne m’en voudrai pas en mettant une fois de plus en garde mes lecteurs contre les stupéfiants dont quelques traces suffisent pour ravaler les êtres les plus énergiques et les plus déterminés au rôle d’automates voués à l’activité incontrôlée des centres inférieurs. Mieux vaut l’esclavage de la pensée consciente et claire que la servitude mécanique de nos facultés mineures.



Les quelques mots qui précèdent en disent suffisamment sur le chapitre final qui doit, en tout état de cause, traiter des remèdes.

Le triomphe de la thérapeutique est ici d’ordre préventif. L’hygiène cérébrale et mentale, fonction de l’hygiène générale, peut prémunir les sujets d’une façon certaine contre le supplice de l’obsession. L’homme doit apprendre à être un sage s’il ne veut point disloquer l’admirable machine nerveuse qu’il possède et la ravaler au fonctionnement isolé, incohérent et quasi déshonorant de ses parties composantes. Tout candidat à un peu plus de liberté peut conserver le gouvernail de sa vie, sans jamais abdiquer aux mains des infiniment petites fonctions qui le rapprochent de la bête.

Prévenir n’est point guérir le mal quand il est réalisé, objectera-t-on. J’en conviens. Mais que l’on n’attende pas de moi dans ces courtes colonnes, l’enseignement de panacées qui n’existent point. Le maniement de la psychothérapie, seule méthode de traitement applicable à l’obsession, appartient au seul psychiatre capable d’analyser un syndrome mental, d’en démêler les causes lointaines ou prochaines et d’acquérir une honnête autorité substitutive sur les patients, dont la vie est empoisonnée par de subtiles préoccupations, sans aucune valeur intrinsèque. Se souvenir seulement que la rééducation nécessite une patience persévérante. — Dr  Legrain.


OCCULTISME n. m. (du latin Occultus, caché). Ce mot est d’origine assez récente : il fut créé par Papus (pseudonyme du Dr  Encausse), à la fin du xixe siècle. Un mouvement spiritualiste, qui s’est accentué depuis, surtout pendant et après la grande guerre, se dessinait alors nettement, par réaction contre les foudroyants progrès du Matérialisme, dont les données positives

ne fournissent pas un aliment adéquat aux esprits affamés de merveilleux. Ce mouvement, caractérisé d’abord — et aggavé à la fois, car l’effet réagit comme cause — par1’étonnante diffusion du Spiritisme et de la Théophie, Papus, qui fut un moment le chef d’un brillant cénacle, dont l’originalité et la sincérité frisèrent souvent l’excentricité et le snobisme, et où se fit remarquer notamment l’étrange Sâr Péladan, tenta de l’orienter vers les sciences dites « occultes », fort délaissées depuis le xviiie siècle, et dont l’étude venait d’être rénovée par un des maîtres en la matière, Eliphas Lévy. Le succès fut vif, mais éphémère. Il y eut de nombreuses dissidences, et aujourd’hui le mouvement est très éparpillé, au gré des tendances individuelles. C’est donc à l’ensemble de ces sciences occultes, et des doctrines et pratiques qui s’y rattachent, que Papus donna le nom d’Occultisme. Mais qu’est-ce exactement qu’une science occulte, et en quoi se distingue-t-elle de la science tout court ?

La distinction est plus difficile qu’elle ne semble l’être au premier abord. Si je tente une définition générale, je m’aperçois qu’elle est tantôt trop large, tantôt trop étroite, faisant une trop grande part, tantôt au mot science, tantôt au mot occulte, sans qu’il me soit possible d’englober les deux idées qu’ils représentent en une synthèse précise. Trop large, elle peut s’appliquer à des sciences qui n’ont rien d’occulte, mais dont les solutions qu’elles apportent à maints problèmes restent hypothétiques (comme la cosmologie, l’anthropologie). Trop étroite, elle risque d’exclure à tort de son cadre des parties intéressantes de certaines sciences dites occultes (comme l’Alchimie), où la science véritable voisine avec un empirisme puéril, des rêveries déconcertantes, et d’absurdes superstitions. J’en arrive à cette conclusion qu’il n’y a pas, à proprement parler, de science occulte, les deux termes étant contradictoires. Il y a la science, qui étudie dans la réalité les faits et phénomènes vérifiables et explicables expérimentalement ou rationnellement ; et il y a des doctrines et pratiques basées sur une croyance irrationnelle à des causes ou influences occultes, mystérieuses, parfois ingénieusement imaginées, souvent ridiculement invraisemblables, dans tous les cas indémontrées, et inacceptables par la raison, jusqu’à ce qu’une preuve vienne les certifier, ou qu’une forte présomption, tout au moins, justifie leur prise en considération. Elles passeront alors du domaine de l’Occulte dans celui de la Science. Jusque-là, elles seraient plus idoinement désignées par le mot « art » que par le mot « science », et le terme général d’ « Occultisme » me semble heureusement choisi pour une classification d’ensemble.

En ces temps derniers, quelques questions se rattachant à l’Occultisme ont été étudiées sous la dénomination, à l’allure plus scientifique, de Métapsychisme, ou Métapsychie (voir ce mot). Mais, comme beaucoup de problèmes étudiés par les métapsychistes rentrent dans le cadre de sciences bien définies (psychologie, psychiatrie, biologie, etc.), et comme, pour les cas réellement occultes, la plupart des métapsychistes, en dépit de leurs prétentions à l’esprit critique, restent sous l’empire des anciens errements ; comme, d’autre part, les occultistes actuels se réclament de méthodes non moins scientifiques, — non moins viciées d’ailleurs par d’analogues idiosyncrasies spiritualistes — la nécessité de ce nouveau terme n’apparaît pas clairement. Question de forme plutôt que de fond. Nouvelle chapelle plutôt que nouvelle église.

Le domaine de l’Occultisme est très vaste. Il constitua longtemps, sous les noms de Kabbale et d’Hermétisme (de Hermès Trismégiste trois fois saint, personnage légendaire et dieu égyptien), le fonds des connaissances humaines ésotériques, réservées aux Initiés ; et les sciences véritables ne se sont formées qu’en dégageant de son fatras, petit à petit, ce qui peut être dé-