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OCC
1831

montré par l’expérience ou étudié rationnellement. L’ésotérisme occulte est également la source de toutes les métaphysiques et de toutes les religions, qu’il englobait aussi jadis, et ces dernières en restent fortement imprégnées, surtout de magie (les prières ne sont que des formules magiques, et les cérémonies — notamment la messe et le baptême —, ainsi que l’usage des divers vêtements sacerdotaux, ne sont que des rites magiques. Or, rites et formules, c’est toute la magie).

Les principales branches de l’Occultisme sont : l’Alchimie, l’Astrologie, la Kabbale, la Magie, et la Mancie ou Arts Divinatoires. Nous allons les examiner rapidement. (Voir aussi les mots Kabbale, Magie, et Nécromancie).

Alchimie (du grec Chemela avec l’article arabe al — le ou la). Les anciens peuples n’eurent en chimie que des connaissances empiriques et pratiques. Ils savaient faire du verre, du savon, des teintures, etc. ; travailler les métaux, embaumer les corps, préparer des poisons, etc. Mais leurs recherches ne s’appuyèrent pas sur l’expérimentation scientifique, pas plus d’ailleurs que les conceptions, purement intuitives, de certains philosophes grecs et latins, comme Empédocle, Démocrite, Aristote, Lucrèce, sur la matière et ses transformations. Ce furent les Arabes, héritiers des traditions hermétiques après le déclin des civilisations grecques et latines, qui, pour la première fois, eurent recours à cette expérimentation, et donnèrent une vive impulsion à la chimie et à la médecine sur ces nouvelles bases. C’est à l’occasion des croisades que les Européens eurent connaissance de leurs travaux, et s’y livrèrent à leur tour. Et l’étude de la matière s’appela alors « l’alchimie », mot absurde (comme quelques autres d’étymologies analogues) en raison du pléonasme que forment les deux articles « la » et « al ». D’ailleurs, à quelle époque aurait fini l’alchimie pour faire place à la chimie ? La délimitation n’existe pas. La vérité, c’est que la chimie a évolué constamment et progressivement, qu’elle s’est perfectionnée, lentement (surtout au Moyen Age, en raison de l’obstruction de l’Église Catholique, pour qui toutes les découvertes scientifiques étaient œuvres de sorciers ou d’hérétiques, et comme telles passibles du bûcher), et qu’elle ne s’est débarrassée que petit à petit du mysticisme, de l’empirisme et du charlatanisme. Et ceux qu’on appelle péjorativement et dédaigneusement des alchimistes étaient, en réalité, des chimistes ; quelques-uns de grands chimistes, comme Paracelse, Agricola, Van-Helmont, etc. Ils commirent des erreurs ? Mais les chimistes actuels n’en commettent-ils pas ? La principale fut la recherche obstinée de la chrysopée (de chrusos, or, et poein, faire) ou pierre philosophale, qui devait être une panacée universelle, et, en outre, transformer en or tous les métaux. C’est ce qu’on appela le Grand Œuvre. Mais il ne faut pas oublier que cette erreur elle-même était basée sur une idée très scientifique, l’unité de la matière, et la possibilité des synthèses. C’est la méthode de réalisation qui seule était erronée. On leur doit d’ailleurs d’importantes découvertes en chimie : acides sulfurique, chlorydrique, nitrique, etc. ; ammoniaque, alcali, éther, phosphore, etc. De très remarquables esprits ont cru à la transmutation des métaux. Outre ceux cités plus baut, je nommerai : Avicenne, Averroès, Albert le Grand, Roger Bacon, Tycho-Brahé, Képler, Leibnitz, et Spinoza lui-même.

Astrologie (du grec astron — astre —, et logos — science). On comprit longtemps sous cette dénomination l’étude des astres à tous les points de vue. Puis le mot « astronomie » (de nomos — loi), s’appliquant à cette étude au point de vue strictement scientifique, le mot « astrologie » fut réservé à celle des influences astrales sur les êtres et les choses de notre terre.

Elle comprend deux parties : l’astrologie naturelle et l’astrologie judiciaire.

L’astrologie naturelle se subdivise en astrologie météorologique et astrologie médicale.

La première traite de l’influence des astres sur les phénomènes physiques et les intempéries, les semailles, plantations, coupes de bois, etc. Il s’agit ici surtout de l’influence de la lune. Elle est niée par la science officielle, mais cette négation est peut-être trop catégorique. Nous ne connaissons pas, il est vrai, les lois suivant lesquelles s’exercerait cette influence. Ce n’est pas une raison pour la nier purement et simplement.

La seconde étudie l’influence des astres sur les maladies. Elle eut pour adeptes presque tous les médecins de l’antiquité (pour Hippocrate les influences prépondérantes étaient celles des trois constellations du Chien, des Pléiades et d’Acture, et pour Gallien c’était celle de la Lune), et ceux du Moyen Age et de la Renaissance, notamment Paracelse.

L’astrologie judiciaire, qui traite des influences astrales sur les destinées humaines, a beaucoup plus d’importance, car elle est encore en grand honneur aujourd’hui. Ces influences sont déterminées par la place du Soleil et des planètes, dans les douze signes du Zodiaque (division imaginaire du ciel en douze parties, auxquelles une constellation donne à chacune son nom). Ces douze signes sont : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, les Balances, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons. A l’équinoxe du printemps, le soleil entre dans le Bélier, puis passe dans le Taureau, et ainsi de suite. L’application la plus fréquente de l’astrologie est l’horoscope (de hora — heure — et scopein — examiner), qui consiste à prédire la destinée d’une personne par l’examen des astres au moment de sa naissance.

Ces théories astrologiques remontent à la plus haute antiquité, et sont sans doute originaires de l’Égypte ou de la Chaldée. De là elles passèrent à la Grèce, à Rome, puis aux Arabes, qui nous les transmirent. Elles eurent une vogue étonnante au Moyen Age et jusqu’au xviie siècle. Chaque prince avait son astrologue particulier. Charles V créa une Faculté pour l’enseignement de l’astrologie. Catherine de Médicis était entourée d’astrologues, dont les plus célèbres sont Ruggieri et Nostradamus (les prédictions de ce dernier, les fameuses Centuries, ont encore leurs croyants). Louis XIII fut surnommé « Le Juste », non à cause de son amour de la justice, comme on le croit généralement, mais parce qu’il était né sous le signe de la Balance. Pendant l’accouchement d’Anne d’Autriche, un astrologue se tenait dans une chambre voisine, et était tenu au courant de toutes les phases de l’opération, pour lui permettre d’établir avec précision l’horoscope du futur Louis XIV. On pourrait citer des milliers de faits analogues, dans le monde entier, témoignant de la croyance générale à l’influence des astres. Le scepticisme du xviiie siècle calma cet engouement. Mais de nos jours l’astrologie a retrouvé quelque faveur ; et certains occultistes, comme P. Choisnard, se sont efforcés de lui donner un caractère réellement scientifique, en se basant surtout sur des données statistiques. Mais l’établissement de ces statistiques — comme celui de beaucoup d’autres et plus encore — comporte trop d’incertitude pour justifier une affirmation.

Kabbale — (On écrit aussi Cabale.) Il y a deux sortes de Kabbales : la Kabbale ésotérique, qui est surtout une conception métaphysique, et la Kabbale magique. Pour la première, voir au mot Kabbale. Quant à la Kabbale magique, elle est d’une prodigieuse complication, et comprend à peu près tout l’occultisme. Voici ses traits essentiels au point de vue magique proprement dit :

Les pratiques magiques des Kabbalistes, comme celles de tous les magiciens, avaient pour but de commander aux forces mystérieuses de la nature, inconnues du vulgaire, et d’obtenir des phénomènes dits surnaturels.