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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/501

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ONA
1844

sance, Pic de la Mirandole acceptait de discuter de tout ce qu’on pouvait connaître. Aujourd’hui les sciences expérimentales, les mathématiques, l’histoire, les arts, la philosophie, etc., ont pris un développement trop considérable pour qu’un même individu puisse tout approfondir. Mais constatons qu’une spécialisation poussée à l’extrême présente de sérieux dangers. Il est bon, à notre époque, comme par le passé, sans prétendre à l’omniscience, de ne rester étranger à rien de ce qui est vraiment humain.


OMNIUM n. m. Une puissante compagnie financière ou commerciale qui fait indistinctement tous les genres d’opérations se présentant comme trafic, négoce ou commerce représente un omnium. Ces sociétés anonymes se proposent d’accaparer toutes les marchandises sur lesquelles elles escomptent pouvoir spéculer. Elles visent une espèce de monopole permettant, à un moment donné, d’établir de gros bénéfices sur les marchandises qu’elles se sont appropriées.

Qui dit monopole, dit privilège et l’omnium qui consiste à réunir, sous une même direction : cartels, trusts et monopoles particuliers constitue la puissance financière la plus formidable qui se fasse dans notre pitoyable société.

Par le canal des sociétés anonymes, la vie sociale passe de plus en plus à des compagnies financières, plus ou moins responsables, par rapport aux individus, et quoique détenant bien plus de pouvoir et de richesses que les particuliers, même riches.

L’omnium exerce, dans nos sociétés bourgeoises, une espèce particulière de souveraineté et constitue un privilège moderne qui ne fera qu’augmenter en puissance économique. L’omnium, comme les cartels et les trusts ne fait que fortifier la domination du capital. — E. S.


ONANISME n. m. (de Onan, personnage biblique). On sait que le mot « onanisme » a sa source dans un passage d’un des livres sacrés des chrétiens (Genèse, XXXVIII, 8-10), où il est question d’un certain Onan « qui se souillait à terre lorsqu’il allait vers la femme de son frère, afin de ne pas donner de postérité à son frère ». On sait également que chez les anciens Hébreux la coutume voulait que la veuve du frère fût épousée par son beau-frère et que le premier né de leurs relations portât le nom du défunt. Pour une raison que nous ignorons, Onan s’insurgea contre cette règle et « comme ce qu’il faisait déplut à l’Eternel », celui-ci le fit mourir. Bien qu’à ce verset remonte tout l’opprobre dont l’onanisme a été l’objet dans le monde influencé par le christianisme, il n’y a aucune ressemblance entre l’onanie, l’onanisme, l’auto-satisfaction sexuelle et l’acte reproché à Onan, lequel relève du coït interrompu.

Aujourd’hui, on entend par « onanisme » toute satisfaction sexuelle qu’on se procure soi-même, soit sciemment, soit inconsciemment. On emploie comme synonyme — inexact — le mot « masturbation » (de deux mots latins : manus, main, et struprare, polluer). On se sert aussi du terme « plaisir solitaire ». Le Docteur polonais Kurkiewicz avait proposé le mot « Ipsation », du latin ipse (soi-même). D’une façon générale, tous les procédés employés pour se procurer des jouissances vénériennes, à l’aide de la main ou d’un objet quelconque sont englobés sous le terme « d’auto-érotisme », qui s’étend depuis les rêves voluptueux diurnes jusqu’à l’auto-manipulation sexuelle.

L’auto-érotisme n’est pas spécial à l’homme : cerfs, béliers, singes, éléphants même, se masturbent. Comme pour l’inversion sexuelle, l’opinion modifie son jugement selon les époques : les Grecs y attachent peu d’importance. Diogène le cynique fut même félicité par le philosophe Chrysippe (d’après Plutarque) pour s’être masturbé en plein marché. L’éthique chrétienne s’opposa à la masturbation, comme à tous les autres actes

sexuels, ce qui eut pour résultat de l’accroître considérablement. D’ailleurs, la casuistique théologique est assez accommodante et quelques théologiens catholiques, comme le jésuite Gury, ont permis aux femmes mariées de se masturber. L’opinion moderne est celle de Rémy de Gourmont, écrivant qu’ « après tout l’onanisme fait partie des gestes de la nature. Une conclusion différente serait plus agréable, mais des milliers d’êtres protesteraient dans tous les océans et sous les roseaux de tous les fleuves » — et du psychosexualiste italien Venturi qui démontrait que « l’apparition de la masturbation au moment de la puberté est un moment dans le cours du développement de la fonction de l’organe qui est l’instrument nécessaire à la sexualité ».

Le point de vue des peuples du Nord influencé par le puritanisme protestant est moins large, certes. Cependant les phénomènes auto-érotiques sont inéluctables, étant donné notre vie contre nature et, comme le rappelle Havelock Ellis, aussitôt que l’on commence à empêcher l’impulsion sexuelle de s’exprimer librement, les phénomènes auto-érotiques naissent forcément de toutes parts. Le plus sage donc, conclut l’éminent sexologue anglais, est de reconnaître l’inéluctabilité de ces phénomènes par suite de la perpétuelle contrainte de la vie civilisée.

Le Progrès Médical, du 10 janvier 1925, contenait une étude très substantielle de Raymond Hamet sur la masturbation, d’où il ressortait que, malgré l’opinion courante, « l’onanisme n’a pas les conséquences terribles qu’on lui attribue si communément. » (Camus). Au point de vue de ses effets sur l’appareil uro-génital, « il est absolument semblable à ceux du coït » (Orlowski). « La masturbation est infiniment moins dangereuse que le coït interrompu. » « L’ébranlement nerveux est plus grand par l’emploi de la femme. » (W. Erb.) « La fatigue musculaire est beaucoup plus grande dans le coït que dans la masturbation. » (Hammond.) « La masturbation pratiquée, même avec excès, aux environs de la puberté n’a généralement aucune influence sur le développement des organes génitaux. » Bref, conclut l’auteur de cet article extrêmement documenté, « si cette perversion est regrettable au point de vue social, elle semble n’avoir aucun inconvénient sur l’individu. »

Tout cela n’est pas nouveau. Gallien avait déjà dit que, en se masturbant, Diogène évitait les inconvénients de la rétention séminale. « Gœthe, Gogol et nombre d’autres hommes de génie pratiquèrent la masturbation. » et « l’expérience de tous les jours montre que des individus remarquablement intellectuels ont fait, dans leur jeunesse, un usage souvent immodéré de cette habitude prétendue si dangereuse. » « L’éclat intellectuel déployé par cette célèbre victime de la masturbation que fut Rousseau serait absolument paradoxal, si l’on ajoutait foi aux descriptions que quelques auteurs ont données de l’hébétude mentale et de la stupidité résultant de ce vice. » (G.-F. Lydston.) Toutes les préventions médicales contre la masturbation proviennent d’un livre intitulé ONANIA, paru d’abord en latin, en 1760, et dû au Docteur Simon-André Tissot de Lausanne, puis traduit en anglais et édité par un charlatan du nom de Bekkers, avec l’addition or the heinous sin of self pollution : « ou le haïssable péché d’autopollution ». Cette traduction a été répudiée par Tissot, comme inexacte. Quoi qu’il en soit, ce livre attribuait à l’onanisme d’effroyables conséquences : affaiblissement de l’intelligence, perte de la mémoire, obscurcissement de la compréhension, état démentiel, pertes des forces corporelles, interruption de la croissance, douleurs physiques, apparition de tumeurs, de boutons vénériens, impuissance génésique, altération du sperme, dérangement des fonctions intestinales. Ce Bekkers proposait une drogue qui devait guérir de tous les maux dont ils étaient menacés, ceux qui en feraient l’emplette. Durant un siècle, de nombreux auteurs se