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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/569

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PAI
1912

renforcer le poids (eau en excès, cuisson incomplète et brusquée, etc.) et le mépris de l’hygiène qui préside a la fabrication (fournils en sous-sol, poussières flottantes, eaux croupies ou polluées, ouvriers expectorant, etc.), négligences qui se poursuivent jusqu’à la livraison et véhiculent les contagions tuberculeuses ou typhiques. Nous passerons sur la présence, dans les farines mal travaillées ou truquées, des nielles et des ivraies, des succédanés de toute nature sur les moisissures des grains mal soignés, exposés, par surcroît, aux déjections des rongeurs et des chats. Nous ne remonterons pas davantage jusqu’aux errements — et aux calculs — d’une culture qui sacrifie la qualité au rendement et substitue aux variétés éprouvées des variétés médiocres, mais abondantes, qui ne choisit ni ne dose à bon escient ses engrais, conceptions qui nous valent, à la base, des carences (magnésium, chaux, etc.) ou des excès (potassium) que la biologie regarde comme pernicieux…

Ceux à qui le problème apparaîtra dans son importance consulteront avec fruit les ouvrages ou les études des auteurs précités. Ils accompagneront les efforts et vulgariseront les dénonciations motivées des publications et des hommes qui ne voient pas sans inquiétude le déclin précipité des races et luttent assidûment pour l’enrayer… Ils apprendront aussi que le premier coupable de l’effondrement vital du pain à notre époque est encore le consommateur qui réclame, comme un bienfait, qu’il lui soit servi du pain blanc. Et que son éducation, d’abord, est à faire. Ils réclameront ensuite que soit obtenue, par une organisation ad hoc des moulins, et « de concert avec la minoterie (intéressée à tenir compte des goûts du public) et sous le contrôle d’hygiénistes compétents, la farine normale ». Et ils exigeront que la réforme gagne la panification elle-même (locaux manipulations, traitement de la pâte, etc.) et les transports, et les précautions ménagères. Et ils pourront alors caresser l’espérance que le pain redevienne — et sous une forme plus élevée, plus complète encore et plus saine – « notre aliment fondamental ». — S. M. S.


PAIX n. f. (du latin pax, même signification). Toutes les encyclopédies définissent ainsi la Paix : « Situation d’un peuple, d’une nation, d’un État, d’une société politique qui n’est point en guerre. » Paix générale, universelle, perpétuelle, Paix solide et stable. Demander, implorer, acheter, obtenir, conquérir la Paix. Mettre la Paix entre deux États. Avoir la Paix. Être en Paix. Durant la Paix. En temps de Paix. Vivre en Paix. Paix sur terre et sur mer. Jouir d’une Paix profonde. Que la Paix soit avec vous. (Pax vobiscum.) Paix aux hommes de bonne volonté. — Traité de Paix : traité qui met fin aux hostilités et fixe les conditions de la Paix. Négocier la Paix. Faire une Paix glorieuse, avantageuse, onéreuse, ruineuse, honteuse. On appelle Paix fourrée, Paix plâtrée, une Paix qui n’est qu’un simulacre, une fausse Paix, une Paix hypocrite, conclue de mauvaise foi et avec arrière-pensée par les deux parties, chacune avec l’intention de la rompre, lorsqu’elle estimera le moment favorable et les circonstances propices, ou quand elle croira utile à ses intérêts de la rompre. Paix se dit aussi, de même que Guerre, en parlant des animaux : les chiens et les chats vivent difficilement en Paix. Deux coqs vivaient en Paix ; une poule survint. Et voilà la Guerre allumée (La Fontaine). Se dit souvent de la tranquillité de l’âme, du cœur, de l’esprit, de la conscience. Il faut chercher la Paix de l’âme dans la Vérité (Voltaire). Se dit encore dans le sens de calme, repos, silence, recueillement, éloignement du bruit, de l’agitation, des affaires : La Paix des campagnes, des forêts, des déserts, des tombeaux. Les arts de la Paix : tous les arts auxquels la Paix est favorable, qui ne fleurissent que pendant la Paix, par opposition aux arts destructeurs et stériles que la guerre enfante. Paro-

les de Paix : qui tendent à établir l’entente, à rétablir la concorde. Faire la Paix : se dit de deux personnes qui étaient brouillées et se sont réconciliées. Laisser quelqu’un en Paix : ne plus l’importuner, ne plus le molester. Ne laisser à quelqu’un ni Paix, ni trêve : le harceler, le poursuivre, l’obséder, le tourmenter, sans lui laisser le moindre répit !

Je pourrais citer quantité d’autres locutions courantes dans, lesquelles le mot « Paix » figure et auxquelles il confère un sens plus ou moins particulier. Ce qui précède démontre surabondamment que le mot Paix est un de ces mots dont on se sert le plus, bien que la réalité qu’il exprime soit assez rare.

Je lis dans le Grand Larousse : « lorsqu’on parcourt les annales de l’humanité, on voit se dérouler devant soi une telle série de guerres sanglantes, qu’on se demande si la guerre n’est pas véritablement l’état normal de l’espèce humaine ; si la Paix, qui est la source de la richesse, de la prospérité et du développement des peuples, n’est pas au contraire son état exceptionnel. Ce phénomène étrange, qui se comprend à la rigueur à l’état de barbarie, est, pour l’homme qui pense, un sujet d’étonnement et de méditation, lorsqu’on le voit se produire dans l’état de civilisation, dans des sociétés où le meurtre individuel est considéré comme le plus grand des crimes, chez des peuples qui aspirent ardemment aux bienfaits de la Paix. »

Voici ce que je trouve dans le Grand Dictionnaire « La Chatre » : « la Paix générale, perpétuelle a été jusqu’ici le rêve de tous les nobles cœurs, de tous les véritables amis de l’humanité. Espérons que le jour viendra bientôt où ce rêve deviendra une réalité. C’est une erreur que de croire les hommes faits pour s’entre-déchirer. On ne voit pas les lions faire la guerre aux lions et les loups, dit-on avec raison, ne se mangent pas entre eux. Pourquoi en serait-il autrement des hommes ? Déjà la guerre est regardée par les peuples les plus civilisés comme un reste de barbarie, comme une regrettable extrémité, presque comme un crime. La Paix est, à vrai dire, le règne de la Liberté ; elle doit être l’état normal des sociétés qui cessent d’être divisées en maîtres et en esclaves, en oppresseurs et en opprimés, en exploiteurs et en exploités ; elle couronne l’édifice social des nations où l’intérêt individuel cesse d’être en lutte avec l’intérêt général, où règne une équitable répartition des avantages sociaux et des richesses publiques, où n’existe aucune des innombrables causes d’antagonismes qui subsistent malheureusement un peu partout. Les développements de la raison humaine, les progrès des sciences et de l’industrie, en multipliant les relations entre les peuples, en détruisant et les barrières et les préjugés nationaux qui les séparaient, préparent cet avenir que tous les bons esprits appellent de tous leurs vœux. »

C’est en ces termes magnifiques que, dans un discours à la jeunesse, prononcé à la distribution des prix du lycée d’Albi, en 1903, Jean Jaurès proclamait sa foi dans un prochain avenir de réconciliation et de Paix universelle : « Quoi donc ? La Paix nous fuira-t-elle toujours ? Et la clameur des peuples toujours forcenés et toujours déçus montera-t-elle toujours vers les étoiles d’or des capitales modernes incendiées par les obus, comme de l’antique palais de Priam incendié par les torches ? Non, non ! Et, malgré les conseils de prudence que nous donnent ces grandioses déceptions, j’ose dire, avec des millions d’hommes, que maintenant la grande Paix humaine est possible et que, si nous le voulons, elle est prochaine. Des forces neuves y travaillent : la démocratie, la science méthodique, l’universel prolétariat solidaire. La guerre devient plus difficile, parce que, avec les gouvernements libres des sociétés modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage uni-