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PAP
1954

œuvre d’évangélisation des masses, d’abrutissement de la jeunesse, de corruption des consciences par l’achat des politiciens, des journalistes, etc….

Les marchands du Temple. — La « Sainte Boutique » possède bien des moyens et des procédés pour rançonner les gogos.

« Aujourd’hui, les évêques ne payent plus leurs bulles que 4.400 francs (or), les archevêques 6.660… Mais le commerce des dispenses, indults, indulgences, etc…, marche toujours son train. Les papes du xixe siècle y ont ajouté celui des titres de noblesse et des décorations. Il y a aussi les quêtes du denier de Saint-Pierre, dont les préfets violets se montrent grands zélateurs pour se faire bien voir de leur maître. Enfin, de pieux et riches imbéciles, très ignorants de la vraie origine et de la vraie histoire de la Papauté, offrent incessamment de magnifiques cadeaux à celui qu’ils croient sincèrement le représentant de Dieu sur notre petite planète. C’est bien entendu la France, cette précieuse vache à lait, qui fournit toujours le plus (30 millions environ par an, en or). » (Éphémérides de la Papauté, par l’abbé de Meissac, p. 216.)

Le trafic des Indulgences se fit d’une façon tellement cynique et exagérée qu’il souleva contre la Papauté de grandes colères et l’on sait que la révolte du moine Luther fut, dans une grande mesure, motivée par ce trafic. Mais ce que l’on sait moins, c’est que les mercantis du Vatican continuent aujourd’hui, plus que jamais, leurs lucratives entreprises.

Victor Charbonnel a reproduit les tarifs de la Sacrée Congrégation des Indulgences, tels qu’ils sont affichés à la Chancellerie du Vatican (la Congrégation des Indulgences a été supprimée en 1904, mais rattachée à la Congrégation des rites — et rien n’a été changé à la « bedide gommerce » ).

Je ne reproduirai pas cette liste, car elle est longue — et fastidieuse. On y trouve les taxes pour bénédiction des chapelets, croix, crucifix, statues de Saint Pierre ; indulgence pour 4 jours de l’année, pour les sermons, pour la fin des retraites, pour les moribonds, les missions — et j’en passe plus de la moitié.



On sait que l’Église ne reconnaît pas le divorce, qu’elle vitupère, au contraire, comme une effroyable immoralité. N’empêche que la Sacrée Congrégation romaine du Concile ne consacre une bonne part de son activité aux procédures d’annulation de mariages.

Il y a 22 ou 24 cas de divorce… pardon : d’annulation ! Il suffit de démontrer que le mariage n’a pas été consommé (par suite de l’impuissance du mari, par exemple), pour que la Papauté annule l’union et rende leur liberté aux deux époux.

Bien entendu, cela coûte très cher. « Dans une cause de mariage, il faut compter d’abord les frais de l’enquête faite par la cour épiscopale, et ceux-ci seront plus ou moins considérables, selon le nombre des témoins, leur éloignement de la Curie épiscopale, les indemnités à leur fournir, les experts dont on invoquera le témoignage. » (Annuaire pontifical).

Que d’intermédiaires à rétribuer, de pourboires à donner, de paperasses à noircir ! Cela se prolonge pendant des mois. Il faut remettre la main à la poche, pour activer les démarches, à plusieurs reprises. Finalement, il n’est pas possible de divorcer à Rome à moins de 50.000 francs, mais nombreux sont les cas d’annulation qui ont coûté 150.000, 200.000 francs et davantage. Cette comédie religieuse n’est à la portée que des gros porte monnaie.



La vente des décorations papales fournit des ressources qui ne sont pas négligeables.

Il y a l’Ordre du Christ ; l’Ordre de Pie IX ; l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand ; l’Ordre de Saint-Sylvestre ; l’Ordre de l’Éperon d’Or (qui a été récemment décerné à Podieux Mussolini, pour bien marquer la réconciliation du Vatican et du Fascisme !) ; les croix Pro Eccesia et Pontifice, les médailles Bene merenti….

L’honneur d’arborer ces rubans et de faire encadrer un diplôme signé de la Sainte main du Pape ne saurait évidemment trop cher se payer… Il faut compter de 5 à 10.000 francs, ce qui n’empêche pas les amateurs d’être nombreux.

Le titre de duc coûtait 100.000 francs, avant la guerre. Le titre de comte, 20.000 francs. Le titre de baron, 12.000 francs. Il y a aussi des comtesses, des princes, des marquis… Le Vatican ne néglige aucun profit (les Hennessy, marchands de cognac, sont comtes du Pape (cité par Charbonnel), ce qui n’empêcha pas l’un d’eux d’être ministre de la République française et propriétaire du Quotidien, journal de gauche !  !)

Conclusion. — Étudier l’histoire de la Papauté, c’est prendre la meilleure leçon d’anticléricalisme et d’anti-religion.

Cela permet de saisir sur le vif le cynisme et la tyrannie des Imposteurs d’Église, exploiteurs de la Crédulité.

La Papauté est la dernière grande monarchie de droit divin qui existe dans le monde actuel. C’est l’institution la plus antidémocratique que l’on puisse concevoir.

Deux cent cinquante millions de catholiques sont dirigés par une oligarchie d’un millier de despotes romains (dont les neuf dixièmes sont italiens, ce qui explique que M. Mussolini ait cherché, dans un but impérialiste, à utiliser le concours de la Papauté).

L’oligarchie papale n’a pas de comptes à rendre, ni d’explications à fournir. Elle est infaillible. Elle peut commander ce que bon lui semble et décider les pires absurdités. Ayant fait de l’obéissance la première des vertus, les fidèles sont tenus de s’incliner, non seulement sans murmurer, sans réfléchir, sans discuter, sans chercher à comprendre, mais encore en se prosternant dans l’humilité la plus admirative.

Rien n’est plus contraire à l’esprit critique, à la dignité humaine, au droit à la vie consciente, que la Foi catholique.

Rien n’est plus dangereux pour notre effort d’émancipation et de révolte que cette mentalité rétrograde faisant de la chrétienté un troupeau d’esclaves abêtis.

L’association conclue entre Mussolini et Pie XI (chacun d’eux espérant bien, in petto, en tirer le maximum de profits) est dirigée en premier lieu contre le mouvement mondial de rénovation et d’affranchissement social et en second lieu contre la France. Non pas, certes, la France de Tardieu, de Poincaré ou de l’abbé Bergey, mais la France populaire, laïque, ardente et généreuse, prête à reprendre la grande œuvre révolutionnaire sabotée et trahie tant de fois depuis un siècle….

« Les coqs ne chantent plus, ils sont plumés », pouvait-on lire en 1870, dans l’Osservatore Romano, journal du Pape, dirigé par le propre filleul du Pape Pie IX. Le Vatican se réjouissait du désastre qui accablait la France. Quelle ingratitude ! Car les Français avaient soutenu Pie IX contre les Italiens ; ils s’étaient aliénés les sympathies de ces derniers et de l’Angleterre (sympathies précieuses, qui auraient empêché le traité de Francfort) pour être agréable au Vatican en envoyant des troupes françaises monter la garde à sa porte. Et voilà comment le Pape récompensait un dévouement aussi stupide !

Pourquoi ? Parce que, derrière les gouvernements éphémères, Pie IX apercevait le visage de la vraie France, celle de Voltaire, de Diderot, de 1793, celle qui ne se renferme pas à l’intérieur de ses frontières et qui