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succursales des coopératives régionales ; celles-ci groupées dans leur Fédération nationale, leur Magasin de Gros, leur Banque et toutes ces institutions groupées dans leur Alliance coopérative internationale, dans leur Banque internationale, dès lors, c’est la Société coopérative, avec toutes ses possibilités.

Les consommateurs sont groupés d’abord comme nous venons de le voir. Ils savent de combien de tonnes de marchandises ou denrées ils auront annuellement besoin. Dès lors, avec leurs capitaux propres, collectifs dans leurs magasins coopératifs, ou avec leurs réserves, ils dirigent les productions, qui seront absorbées par leurs sociétaires, en créant des usines ou des ateliers coopératifs. Ils croissent. Ils se trouvent en présence des trusts et, par la force des circonstances, ils entrent en lutte et les expériences qui ont été faites en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Finlande, en Suisse et même en France prouvent que les trusts, même les plus puissants, ne sortent pas victorieux de leur lutte contre les consommateurs groupés dans leurs magasins coopératifs.

Cette poursuite de l’idéal coopératif a pour effet certain de faire participer à une action organique concrète et profondément révolutionnaire, sur le plan économique, des gens que rien n’avait, jusque-là, préparés à une action sociale profonde et qui se laissaient, jusque-là, emporter, comme des bâtons flottants, par les eaux du capitalisme.

L’avantage aussi de cette action organique des magasins coopératifs est qu’ils constituent, par l’association libre et volontaire des individus, dans l’actuelle société, un capital collectif et impersonnel, qui va grandissant sans cesse et qui se transmet de générations en générations et, par ce fait même, crée des habitudes de pensée et une moralité nouvelles, dégagées de l’emprise capitaliste. Et, à cause de leurs mérites actuels et futurs, les magasins coopératifs sont des instruments éminents d’une Révolution sociale profonde ; tandis que les myopes intellectuels les ont considérés (v. Karl Marx) et les considèrent encore (les « révolutionnaires » verbaux) comme de simples boutiques commerciales perfectionnées… — A. Daudé-Bancel.


MAGIE. (du grec : mageia). Art prétendu de produire des phénomènes merveilleux, grâce à l’évocation de puissances invisibles, et l’utilisation de forces mystérieuses. La magie est aussi ancienne que les sociétés humaines, et l’on trouve des traces de ses rites dans les annales de tous les peuples. Là où elle n’est pas toute la religion, elle s’exerce, d’une façon plus ou moins clandestine, à côté de la religion reconnue par les classes dirigeantes. La haine du clergé à l’égard des pratiques magiques semble due, principalement, à ce qu’elles représentent pour la profession ecclésiastique une concurrence. Au moyen-âge l’Église faisait brûler vifs ceux qui étaient soupçonnés de s’y livrer, sous prétexte qu’ils faisaient commerce avec les démons et Satan lui-même, dans des intentions criminelles. Mais, pour s’adresser à Dieu, à la Vierge, et aux Saints, les cérémonies du culte, avec leurs prières chantées, leurs fumigations d’encens, leurs accessoires et leurs symboles, n’en ont pas moins avec les cérémonies magiques de si frappantes ressemblances, qu’il est impossible de ne point découvrir entre elles une parenté.

Dans l’antiquité, la magie a été en honneur principalement dans l’Inde, en Égypte et en Perse, où étaient dénommés « mages » les prêtres de la religion de Zoroastre. On attribuait aux magiciens la faculté de prédire l’avenir, de converser avec les âmes des morts, de voir et d’entendre ce qui se passait dans des lieux éloignés, de créer des illusions collectives, de guérir miraculeusement des malades, d’influencer à leur gré

les événements, etc… Le charlatanisme et la prestidigitation se sont d’ailleurs inspirés de ces légendes pour amuser les foules ou exploiter la crédulité publique. De même que les religions, la magie tend à disparaître devant les progrès de la science et la généralisation de l’enseignement. Cependant, il semble que, dans les traditions que la magie nous a léguées, il ne soit pas que rêveries absurdes et superstitions grossières. Sous les noms d’hypnotisme, suggestion, auto-suggestion, télépathie, etc…, la science expérimentale a étudié et soumis à son contrôle diverses catégories de faits étranges qui, jadis, faisaient partie du domaine du merveilleux. De même que l’alchimie, pleine d’obscurités et de formules effarantes, a donné naissance à la chimie, les antiques pratiques des mages paraissent sur le point de nous doter, à défaut de pouvoirs surnaturels, de connaissances physio-psychologiques très précieuses, et de méthodes thérapeutiques non négligeables.

Par extension, le mot magie est employé comme synonyme de charme ou de séduction. On dit, par exemple : la magie du style pour indiquer la puissance d’évocation d’une bonne littérature ; on dit aussi : la magie de l’éloquence, pour désigner le pouvoir de suggestion que l’éloquence exerce fréquemment sur les foules, et qui les dispose à des actes qu’elles n’auraient jamais accomplis d’elles-mêmes sans cette circonstance. C’est une manière de sortilège dont l’homme raisonnable et averti se défie particulièrement. L’art de la parole est digne d’estime à maints égards, et il acquiert dans la propagande des idées une importance considérable. Il n’en est que plus dangereux lorsqu’il est mis au service du sophisme ou de l’erreur. Nul n’est plus que lui, en effet, apte à farder agréablement la vérité, ou nous lancer à la poursuite de mirages. Méfions-nous donc des enthousiasmes irréfléchis, des effets de tribune qui s’adressent plus à notre sensibilité nerveuse qu’à notre conscience. Avant d’accepter comme justes, définitivement, les thèses révélées dans le feu des tournois oratoires, ayons cette sagesse de les passer au crible de la critique, dans cette atmosphère de paix et de clarté qui se dégage de la solitude et du silence. ‒ Jean Marestan.

À CONSULTER : Apologie pour les grands personnages accusés de magie (G. Naudé, 1625) ; De la magie transcendante (M. Brecher, 1850) ; La magie et l’astrologie dans l’antiquité et au moyen-âge (Alfred Maury, 1860), ce dernier ouvrage particulièrement sérieux et instructif ; etc.


MAGISTRAL (E, AUX). adj. Pédant. Qui convient au maître (magister) ; qui tient du maître : allocution prononcée d’un ton magistral. Autorité magistrale. Sévérité magistrale. Air solennel, important : Les petits esprits affectent volontiers la dignité magistrale.

Dessin, style magistral : qui a de l’ampleur, qui rappelle la manière des maîtres. Prébende magistrale : dans certaines églises cathédrales, on donnait ce nom à la prébende qui, dans d’autres, s’appelait : préceptoriale. Dans l’ordre de Malte : Commanderies magistrales, celles qui étaient annexées à la dignité de grand-maître.

En géométrie : ligne magistrale ; la ligne principale d’un plan, tracée par l’ingénieur. — En fortifications : magistrale, crête extérieure d’un mur d’escarpe. Médecine et pharmacie : médicament magistral, que l’on prépare seulement au moment de l’emploi, selon la formule du Codex ou que donne le médecin ; contrairement aux médicaments officinaux qui, pouvant se conserver, sont préparés à l’avance. — S. M. (T. de métallurgie) : le magistral est un mélange de sulfate de fer et de cuivre employé avec le mercure comme agent amalgamation de certains minerais d’argent.