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ce dont on a besoin ?) ; pas de marchandage, dispute ou contestation, puisque chacun choisit lui-même ce qui lui plaît et puisque, lorsque la consommation est limitée, on sait qu’elle l’est pour tous et que c’est une nécessité passagère.

Lui. — Comme c’est beau et pratique !…

Moi. — Nous savons que, naguère, au temps du capitalisme exploiteur, voleur et affameur, quand toute l’économie sociale reposait sur le profit et la valeur marchande des produits, lorsque, entre le producteur et le consommateur, pullulait la bande peu intéressante mais sordidement intéressée des détrousseurs du trafic commercial ; lorsque, constitués en classe possédante et gouvernante, les accapareurs du Pouvoir et de la Fortune écrasaient de leur domination la classe gouvernée et dépouillée de tout, nous savons que, dans ce temps-là, plutôt que de renoncer au profit escompté ou de se résigner à la réduction de ses gains, les forbans du capital, sous la protection des bandits de l’État, leurs associés et leurs complices, n’hésitaient pas à précipiter dans la mer, à incendier, à jeter dans les égouts ou à laisser pourrir sur place les montagnes de produits qui ne s’écoulaient pas, tandis que des millions de femmes et d’hommes, de vieillards et d’enfants dépérissaient de privations et succombaient à la misère.

Et nous nous demandons aujourd’hui s’ils n’étaient pas frappés de démence, ces monstrueux criminels : ceux qui avaient accaparé ces produits et systématiquement les anéantissaient. Et s’ils n’étaient pas atteints d’inconscience, ou pétris de lâcheté, ceux qui, après avoir, par leur travail, créé tous ces trésors de vie, se laissaient stupidement mourir de faim, au lieu de se révolter et de s’emparer, de haute lutte, des biens qui, en toute équité, leur appartenaient.

Ah ! Si c’était aujourd’hui, de telles atrocités seraient absolument impossibles. Si des affamés, des sans-abri, des loqueteux, d’où qu’ils vinssent, et quelles que pussent être leur langue et la couleur de leur peau, se présentaient à nous, avec quelle joie nous leur dirions de prendre, à nos côtés, place au banquet de la vie et de se rassasier ! Avec quelle satisfaction, dussions-nous nous serrer un peu, nous leur offririons l’abri de nos demeures ! Avec quel bonheur nous les inviterions à prendre, dans notre pavillon du vêtement, de quoi se vêtir !… — Sébastien Faure.


PRISON n. f. Vient du bas latin prensio, de prehensio : saisir, prise. Lieu où l’on enferme les accusés et les condamnés. On dit aussi : Maison d’arrêt et de correction. Fig. : Demeure sombre et triste. Ce qui enveloppe fortement : la gangue est la prison du diamant. Loc. : Triste comme la porte d’une prison.

Dans le système pénitentiaire français, les prisons sont divisées en deux grandes classes : les prisons civiles et les prisons militaires. Les prisons civiles, sont, à leur tour, divisées en deux catégories : les prisons d’hommes et les prisons de femmes. Les prisons militaires sont aussi divisées en deux catégories, la première ne comprenant que les condamnés pour des délits strictement militaires ; la deuxième étant spécialement affectée aux condamnés de droit commun ou ayant été condamnés antérieurement pour un délit de droit commun.

Les prisons civiles sont classées en six catégories principales : 1° Maison de police ou Chambre municipale ; dans chaque canton, reçoit les individus condamnés par les tribunaux de simple police à quelques jours d’emprisonnement ; 2° Maison d’arrêt ; dans chaque chef-lieu d’arrondissement, reçoit les condamnés à moins d’un an et un jour d’emprisonnement ; 3° Maison de justice ; établie au chef-lieu judiciaire de chaque département. On y enferme les accusés, les jeunes détenus, les condamnés qui se pourvoient par appel devant les tribunaux du chef-Lieu ou devant les cours d’appel,

ainsi que les condamnés jugés par la cour d’assises en attendant leur transfèrement ; 4° Maison de correction ou Prison départementale, reçoit les enfants détenus en vertu de l’a puissance paternelle et les enfants mineurs condamnés ; 5° Maison de détention ou de force, appelée communément Maison centrale, où sont enfermés les condamnés à plus d’un an et un jour, les condamnés aux travaux forcés, mais ayant passé 60 ans. Les femmes, ne subissant pas la transportation, y sont, retenues à tout âge ; 6° Pénitencier agricole, sorte de maison centrale dont les détenus sont occupés à des travaux de plein air.

La peine des travaux forcés est subie par les hommes dans les colonies pénales. La peine spéciale de la détention prévue dans le cas de crime intéressant la sûreté extérieure de l’État est subie dans un quartier distinct de la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Avant la Révolution de 1789, il y avait des prisons d’État où l’on enfermait les coupables de délits ou de crimes politiques et ceux qui déplaisaient aux tenants du pouvoir. Ces prisons ont été supprimées par la Révolution. A présent, toutes les prisons sont des Prisons d’État.

La justice militaire possède, en plus de ses prisons ordinaires, pour l’exercice de sa répression, les Pénitenciers militaires et les Travaux publics. Des campagnes ardentes et répétées, notamment lors de la célèbre Affaire Dreyfus, ont été menées pour obtenir la suppression de ces « Biribis » et pour l’abolition des tortures qui étaient infligées par les chaouchs aux malheureux soldats emprisonnés : poteau, fers, poucettes, crapaudine, etc… Mais il semble bien que le résultat atteint ne soit guère en rapport avec les efforts fournis.

Avant la guerre de 1914-1918, l’administration des prisons civiles relevait du Ministère de l’Intérieur ; on l’a, de nos jours, rattachée au Ministère de la Justice.

Le travail est obligatoire dans toutes les prisons françaises, sauf pour les prévenus, les condamnés en appel ou en pourvoi de cassation. Le travail est rémunéré, mais le condamné ne touche qu’une faible partie de son maigre salaire, la plus grosse part allant à l’administration pénitentiaire. De la somme qui revient au condamné, de 3 à 5 dixièmes, selon qu’il est primaire ou récidiviste, une partie est réservée au pécule qu’il touchera à sa sortie, une autre partie pouvant être affectée à l’achat d’aliments ou d’objets utiles et permis, à la cantine de la maison.

Le régime politique autorise le condamné à faire venir sa nourriture du dehors ; lui permet les visités d’amis qu’il voit librement et non à travers les grilles du parloir ordinaire des condamnés de droit commun ; lui laisse la faculté de correspondre chaque jour, de recevoir et de lire les journaux et ne le contraint ni au travail, ni au silence, ni au port du costume pénitentiaire. Le régime politique n’est pas un droit, mais une tolérance, une faveur soumise aux caprices des juges, des gouvernants et même du directeur de la prison, qui peut élargir ou resserer le régime à sa convenance. Aussi n’y a-t-il rien de plus arbitraire que l’application du régime politique en France. On a vu souvent des condamnés, pour un même délit, accomplir leur peine : les uns au droit commun, les autres au régime politique.

La durée de la condamnation prononcée par les tribunaux peut subir certaines diminutions. Accomplie en cellule, le condamné bénéficie de la remise du quart. C’est, selon le législateur, la portion équivalente du temps à l’aggravation de la peine par l’encellulement. On aimerait connaître par suite de quels calculs et à l’aide de quel instrument de mesure les législateurs sont arrivés à chiffrer cette équivalence. Lorsqu’un condamné primaire a fait la moitié de sa peine, il peut demander sa libération conditionnelle. Celle-ci est accordée ou refusée, selon les cas : bonne conduite pen-