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PUE
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Lalo, dans Beauté et Instinct sexuel, on peut dire que la pudeur n’aurait pas beaucoup plus raison d’exister chez les hommes que chez les animaux ». L’enfant, en effet, ignore la pudeur.

Dans la Genèse, la pudeur et la crainte sont représentées comme introduites dans le monde en même temps. Adam craignait Dieu parce qu’il était nu (Gen. II, 11). C’est pourquoi les fils de Noé considérèrent comme un acte de piété filiale de jeter un manteau sur la nudité de leur père.

Le 20e chapitre du Lévitique contient une foule de prescriptions relatives à l’anudation :

« Tu ne découvriras pas la nudité de ton père, de ta mère, de la femme de ton père (autre que ta mère), de ta sœur, de la fille de ton fils, de la sœur de ton père, de la sœur de ta mère, du frère de ton père, de ta belle-fille, de la femme de ton frère. » Et comme cela n’est pas suffisant : « Tu ne découvriras pas la nudité d’une femme et de sa fille en même temps, ni celle de la fille de son fils, ni celle de la fille de sa fille, ni celle de la sœur de ta femme en présence de celle-ci. », etc.

Tout cela est en abomination à l’Éternel et parfois puni de mort.

Dans son manuel des confesseurs, les Diaconales, Mgr Bouvier, évêque du Mans, renchérit sur le texte du Lévitique, d’accord avec la morale chrétienne qui a horreur du nu :

« Sauf le cas de nécessité grave ou d’utilité grave, c’est pécher mortellement que de regarder avec intention, même sans arrière-pensée lubrique, les parties sexuelles d’une personne plus grande et d’un autre sexe.

« C’est péché mortel que de regarder complaisamment les seins nus d’une belle femme.

« La femme qui n’a pas de mari pèche mortellement lorsqu’elle s’arrange avec l’intention de se faire aimer des hommes.

« À fortiori, pèche mortellement toute femme mariée qui s’arrange avec l’intention de plaire à tout autre homme qu’à son mari.

« C’est un péché mortel pour une femme de se découvrir les seins ou de les laisser voir sous une étoffe trop transparente.

« Ce serait évidemment un péché mortel que de tenir des propos trop obscènes, de prononcer le nom qu’on donne aux parties sexuelles, de parler du coït ou des différentes manières de coïter… »

La moralité laïque courante – et ce n’est pas une de ses moindres hypocrisies – n’est qu’un écho de celle pratiquée par une petite peuplade sémitique, il y a cinq mille ans ou davantage, lorsqu’elle considère comme honteux et impur de dévoiler son corps, de se montrer sans vêtements devant autrui. C’est la morale judéo-chrétienne qu’il faut rendre responsable de toutes les campagnes menées contre le nudisme ou les images ou les représentations prétendues licencieuses. Dieu condamne le nu et c’est se rendre agréable à lui que de le proscrire.

Les abbés Bethléem, les ligues contre la licence des rues, qui mettent en pièces ou signalent aux parquets des périodiques qui publient des images qui leur déplaisent, ne disent rien quand il s’agit de représentations de scènes de meurtres, de défilés militaires, de portraits d’officiers supérieurs en uniforme, d’images invitant les conscrits à s’engager. Cela n’offense pas Dieu, l’Éternel des Armées. Cela engendre tout simplement le goût du meurtre ou évoque l’idée de haine internationale.

Qu’on s’imagine sur les murs de Paris une affiche représentant deux êtres se procurant du plaisir sexuel ! Quelle levée de cafards et de tartufes dont tous ne seraient pas des bondieusards, hélas ! Ce serait des lacérations vengeresses, des appels désespérés à l’intervention de la police, à la répression pénale. Mais

que ces murs soient couverts d’affiches représentant une escadrille d’avions de bombardement en activité : silence dans les rangs de ces hypocrites ! Et pourtant, la première de ces affiches pourrait tout au plus inciter ceux qui la contempleraient à se procurer du plaisir de la même façon, c’est-à-dire à passer quelques moments de plaisir, alors que la seconde ne ferait qu’éveiller des sentiments de férocité, en appeler aux passions destructrices, ou aux émotions terrifiantes qui sommeillent dans le tréfonds du subconscient humain.

Nous en avons assez dit sur ce chapitre dans l’article Obscénité pour ne pas insister sur le sujet. — E. Armand.


PUÉRICULTURE n. f. (du latin : puer, pueri, enfant, et cultura, culture).

I. Définition. — Le but de la puériculture a été ainsi défini par le Dr  Weill-Hallé :

« Protéger l’enfant dès avant sa conception, assurer son développement intégral dans le sein maternel, éviter tous les accidents fâcheux lors de sa naissance, contrôler et favoriser sa croissance lorsqu’il aura vu le jour, éloigner les dangers inhérents aux dangers extérieurs et à la vie sociale, participer à son orientation au seuil de l’adolescence. »

Cette définition donne à la puériculture un programme extrêmement vaste, et bon nombre d’auteurs lui attribuent un rôle beaucoup plus restreint qui, ne commençant qu’à la naissance, se termine assez tôt, lorsque les enfants ont vingt dents. Pour ces auteurs, pendant cette période, la puériculture a un double but : 1° conserver les enfants, c’est-à-dire les empêcher de mourir ; 2° leur assurer le meilleur développement possible.

Cette deuxième conception de la puériculture a le grave tort de ne pas attirer l’attention sur les phénomènes d’hérédité (voir ce mot) et de pousser à la négligence de l’éducation sexuelle (voir éducation).

II. La puériculture prénatale. — « Lorsque l’enfant vient au monde, il est déjà un peu tard pour se préoccuper de sa destinée. Il n’est pas un jeune homme, il n’est pas une jeune fille qui, songeant à l’avenir, ne dise : « Si j’ai des enfants, ils seront ceci, ils feront cela ; j’aurai pour eux telles ou telles aspirations… » Mais bien rares sont les jeunes gens qui pensent : « Je veux faire de la gymnastique pour avoir un jour des enfants forts ; je me priverai de tabac et d’alcool, parce que je ne veux pas empoisonner ma race et moi-même. » Ou encore : « J’épouserai un être sain moralement et physiquement, parce que je veux qu’il me donne une descendance saine. » Nombreux sont les couples qui disent : « Nous n’aurons qu’un ou deux enfants, parce que nos ressources ne nous permettent pas d’en élever davantage et de les rendre heureux. » Mais bien rares sont ceux qui ajoutent : « Nous choisirons pour les mettre au monde le moment propice, c’est-à-dire celui où l’un et l’autre nous nous sentirons dans les meilleures dispositions physiques et morales, parce que nous savons que cette minute de la procréation sera décisive pour l’avenir tout entier de notre enfant. »  » — Marguerite Martin.

Il est déjà un peu tard de dire cela aux parents ou même aux jeunes époux. C’est aux jeunes gens et même aux enfants qu’il faut s’adresser. « Nous ne pouvons tromper l’enfant, il est de notre devoir de lui exposer les faits sous une forme telle qu’elle n’offense pas la pudeur. Nous devons lui indiquer qui il est, d’où il vient et où il va ; nous devons lui faire comprendre que la sincérité et l’honneur sont dans la relation des sexes et que bien des accidents de jeunesse, comme on disait autrefois, peuvent détériorer toute une descendance. L’éducation, telle que nous devons la concevoir, doit être large, parce qu’elle doit préparer au mariage ; elle réclame l’éducation morale du cœur aussi bien que