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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.1.djvu/29

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PAT
1995

aux malheureux faisant appel à leur Patronage. À ce propos, le Larousse dit, « Patronage : Nom donné à des associations de bienfaisance qui ont pour objet de venir en aide à l’individu pauvre, abandonné ou frappé d’une condamnation, de lui donner un appui et de lui constituer comme une nouvelle famille ». Mais on ne dit pas quelles formalités doit remplir, quels certificats doit montrer, quelles preuves de soumission, de piété, le malheureux solliciteur doit produire avec son extrait de baptême, son livret de mariage, etc., pour être admis. Enfin, ces patronages, dont les institutions charitables seraient admirables si elles s’inspiraient du véritable amour du prochain, de l’esprit évangélique, ne sont trop souvent rien autre que des exploitations hypocrites du pauvre. On y abrite des professionnels de la mendicité, des habitués utiles et résignés, dociles et pieux prêts à toutes les besognes, aptes à toutes les courbettes pour mériter leur séjour en ces asiles et y tenir la place des malheureux sans ressources ni recommandations, sortant de prison ou d’hôpital, mal vêtus, sans le sou, fatigués. Pourtant, l’on héberge plus ou moins mal, durant un laps de temps plus ou moins court, des vagabonds, des trimardeurs quand, à vue d’œil, on les juge aptes à des corvées rudes et répugnantes, ordinairement sans autre salaire que la pitance insuffisante et médiocre, et si peu réconfortante, que ces passagers préfèrent à de pieux hébergements, la misère et la liberté, sur la route, avec le risque du gendarme, dans les champs, et du mouchard dans les villes où sont toujours traqués les miséreux ayant encore assez d’audace et de fierté pour se suffire hors les lois de protection sociale et les patronages d’hypocrite charité. Les gueux préfèrent encore à ces patronages d’associations de bienfaisance les gestes de solidarité des gueux, l’entraide comme elle se pratique dans certaines corporations, où la sympathie pour les trimardeurs est de tradition. Le grand air fait aimer l’Indépendance et libère le gueux, amant de la Liberté, de bien des préjugés de respect pour l’Autorité et la Propriété.

On ne peut parler du mot Patronage sans arriver à la signification effective que lui ont donnée les cléricaux pour dominer, par la conquête de l’enfance et de l’adolescence, dans les classes pauvres, la Famille, la Cité, la Ville et le Village, puis, la Nation. C’est d’une tactique habile, exercée par des manœuvriers adroits, dans un but unique. Il y a très longtemps que les Patronages existent en France. Les lois de laïcité n’ont pu les atteindre ou leur porter préjudice que dans certains centres industriels, où les municipalités devinrent en majorité socialistes. Au point de vue laïc, c’est seulement depuis 1894, que furent créés, par des personnalités de la libre-pensée ou appartenant à des groupements politiques d’idées avancées, des patronages laïcs qui s’opposèrent aux patronages cléricaux. Quelques personnes de bonne volonté encouragèrent cet effort contre l’envahissement de l’éteignoir par le Patronage scolaire. Des subventions municipales aidèrent ce mouvement. Mais l’ennemi clérical avait, avec les secours quémandés aux fidèles dans les églises paroissiales, quêtés dans les réunions mondaines, parmi les cossus de la Réaction, des ressources plus élevées et des influences plus fortes que n’en pouvaient espérer les adversaires des curés, des évêques et de toute la monstrueuse armée noire, plus forte que jamais depuis la Grande Guerre. Elle s’abat victorieuse, sur la France chauvine, s’apprêtant à toutes les horreurs sanglantes que provoqueront dans le monde, tant qu’elles existeront, ces deux néfastes entités : Dieu et Patrie.

Une congrégation, les frères de Saint-Vincent-de-Paul, s’est organisée spécialement en vue de ces œuvres nouvelles, associations religieuses qui, sous le nom de patronages scolaires furent des sociétés de prétendue pro-

tection pour les jeunes gens des deux sexes sortant des écoles primaires. Primitivement, avant de s’avouer, les cléricaux firent croire que leur but était simplement de « suivre les élèves après l’école, afin de perfectionner, dans des cours et des conférences, leurs études après leur sortie ou du moins d’entretenir le modeste savoir qu’ils ont acquis à l’école ; de les. aider à trouver des situations et surtout leur procurer des amusements sains : réunions, promenades, représentations théâtrales, gymnastique, sports. » Sans aucunement vouloir les vanter, l’on peut dire qu’ils se sont attachés à cette tâche avec zèle et persévérance, à la grande satisfaction des parents eux-mêmes qui n’avaient plus d’inquiétude à voir l’enfant absent du foyer familial, le sachant à l’abri, joyeux, content de se remuer, de se distraire avec ses camarades et avec M. l’Abbé, si aimé de tous les gosses, jouant avec eux, tous les soirs, toute la journée du jeudi et du dimanche, entre les Offices religieux. Il y avait, en plus, des secours personnels aux familles intéressantes. Pourvu que les parents s’y prêtent, il y avait des relations possibles, avantageuses avec les gens d’Église. Le petit garçon et la petite fille, devenaient ce qu’on les faisait au Patronage, hypocrites et pieux. Les conférences étaient socialement religieuses et parfaitement combinées pour faire du Mensonge la Vérité et persuader que les plus infâmes ennemis de la Raison étaient les vrais Amis du Peuple, c’est-à-dire, du Vrai, du Bien, du Beau !

Grâce aux encouragements gouvernementaux, après le magnifique accord de la gente cléricale avec la tourbe politicienne pour l’ignoble massacre jusqu’au bout (1914-1918) et pour le prochain, les cléricaux ont la bride sur le cou et ne se gênent plus en rien. Les Patronages de jeunes gens sont des vestibules de la Sainte-Caserne, ils sont l’antichambre de l’École du Crime. Sous l’uniforme des Boy-scouts, les enfants du Peuple, ceux qui doivent donner leur sang pour la Patrie, sont entraînés, physiquement comme moralement, à la Guerre Fraîche et Joyeuse, agréable à Sabaoth, au Dieu des Armées. Voilà ce que les Patronages au sens clérical du mot, sont en train de faire : un travail acharné, incessant pour parvenir à l’abrutissement complet du Peuple. Ils savent commencer par le commencement : par l’enfant. Pendant ce temps, dans les Loges, dans les Groupes de Libre-Pensées, on parle d’élection et l’on discute sur : Patriotisme et Religion. Les petits abbés des Patronages, eux, ne discutent pas, ils agissent ; ils recrutent ; ils forment des soldats de l’Ordre, des soldats de Dieu, des défenseurs de l’Église, des protecteurs du Capital, des électeurs et des lecteurs de tout ce qui est cagot, réactionnaire ; les profiteurs de guerre, les bravaches et les guerriers les plus stupides ont de beaux jours en perspective : les Patronages leur préparent des admirateurs et des victimes.

Que fait-on au Patronage ? Voici :

La vie au Patronage « Nazareth ». — Octobre ramène la vie au Patronage. Bien finies les vacances, les longues vacances attristées cette année de pluies et d’orages. Les oisillons de Nazareth accourent à tire d’aile des quatre coins de France et font retentir à nouveau la cour de leur bruyant ramage. Demandez-le plutôt, si vous êtes incrédules, aux locataires des immeubles voisins !

Le jeudi 8 octobre fut vraiment la première journée de patronage sérieuse. La matinée s’écoule vite : messe de 8 heures à l’Œuvre, puis départ des catéchismes pour la messe du Saint-Esprit à la paroisse. L’après-midi, les portes du patronage s’ouvrent à une heure.

Chapelet du soir. — Chaque soir, à 6 heures, rendez-vous aux pieds de la Sainte Vierge. Nous félicitons le groupe de fidèles. Que tous les enfants de Nazareth prennent au moins un rendez-vous par semaine. Que de grâces ils obtiendront pour eux, leurs familles et leur Œuvre par cette pratique !