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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.1.djvu/42

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PEI
2008

disciples, Van Ouwater, Thierry Bouts (1410-1475), Petrus Christus ; ceux de Robert Campin, comme Jacques Daret et de Roger Van der Weyden, emplissent de leurs œuvres les églises et les demeures. Les premiers maîtres allemands restent jusqu’en 1460 à l’abri de la forte empreinte réaliste. Le Maître de Sainte Véronique (1410), Stephan Lochner (1390-1451), ou Pleidenwurf (1420-1472) sont encore des enlumineurs plus que des peintres. Mais, en France, une école nouvelle, issue des sources flamandes, revit vers 1450. Simon Marmion (1427-1489) y reste disciple de Van Eyck. Mais Jean Fouquet (1415-1485) et Perréal (le maître de Moulins), sont de grands artistes personnels et sûrs. Fouquet, à la fois le dernier et le plus grand des miniaturistes et l’un des portraitistes les plus vivants, est un novateur dans la composition. Les Flamands, en ce temps, s’italianisent : Van der Goes (1430-1482). On peut trouver une synthèse des deux tendances dans l’œuvre d’un rhénan, devenu le maître de Bruges, Hans Memling (1430-1492), qui allia les suavités d’un génie délicat aux savantes acquisitions de l’École. Son disciple, Gérard David (1450-1523) est tout imprégné d’italianisme.

Vers le milieu du siècle, un peintre de Bourgogne, Euguerrand Charonton (né vers 1410), s’installe à Avignon et y fonde un atelier. Il ouvre la voie aux chefs-d’œuvre d’un peintre régional, Nicolas Froment (1435-1500). Du double courant d’influences, bourguignonne et italienne, est animée l’œuvre la plus dramatique de toute la peinture française au xve siècle, la « Pieta » d’Avignon (1470).

C’est vers ce temps que l’enseignement de Van der Weyden pénètre en Allemagne. Il nourrit les probes élans de l’École de Cologne et les œuvres pathétiques des maîtres de la « Vie de Marie » (vers 1450) de la « Passion de Darmstadt » (v. 1450) de la Sainte Parenté (v. 1480) et surtout l’auteur magnifique de « L’Autel de Saint Barthélemy » (v. 1490). Mais déjà s’interpose l’œuvre d’un grand peintre, possesseur d’un génie sensible, graveur d’une expression personnelle, Martin Schongauer (1450-1491). En Autriche, une école influencée par les maîtres de Padoue et de la première veine vénitienne éclairée par les Ombriens, s’épanouit avec Michaël Packer (1430-1498) et Reichlich.

La fin du siècle, en Italie, nous montre les disciples des grands artistes de la génération de 1430, former la transition avec les grands artistes du xvie. A Florence, Filippino Lippi (1467-1504) procède de Botticelli ; Verrochio forme, avec Vinci, deux maîtres considérables, Domenico Ghirlandajo (1449-1494) et Lorenzo di Credi (1459-1537) ; Mantegna et Giovanni Bellini influent, à Venise, sur Carpaccio (1460-1522) ; dans le nord de l’Italie, à Vicenza, sur Montagna (1450-1523), à Vérone sur Morone, Liberale ; Bellini sur Cima da Conegliano (1460-1517). De Mantegna, encore, la première école de Milan, formée par son condisciple Vincenzo Foppa, et illustrée par Borgognone, tire son éclat passager. Pérugin, maître de l’espace, formé par les Ombriens parmi lesquels se détache seul avant lui Nicolo de Foligno, enseigne à son tour Pintoricchio, et contribue à former l’idéal du jeune Raphaël. L’école bolonaise, fondée par Lorenzo Costa, issu de l’école de Ferrare, et enrichie par Francia, y contribue aussi, par le truchement d’un élève de celui-ci, Timoteo Viti, qui, émigré à Urbin en 1495, fut le premier maître du jeune Sanzio. Par ces maîtres intermédiaires nous sortons de l’ascétisme, de la tension linéaire, de l’héroïsme. Des formes rondes, des couleurs chaudes ou légères, une heureuse sensualité, voilà ce qu’ils apportent au xvie siècle.

Mais ils furent devancés et dépassés par un initiateur plus puissant qui, non seulement fond en lui toutes les acquisitions antérieures, mais qui projette de lui-même, sur toutes choses, une lumière intérieure :

Leonardo da Vinci (1452-1519), l’un des « hommes représentatifs » de la plus haute humanité. Génie universel, à la fois peintre et sculpteur, ingénieur et inventeur, savant et philosophe, Léonard, le premier, rompit avec la technique prudente et éprouvée des peintres du xve siècle. Afin d’éviter la sécheresse, d’obtenir l’atmosphère, la fluidité des tons, le fondu du modelé, le clair-obscur, de s’élever de la géométrie des contours à celle des plans, de renforcer l’expression plastique par la vibration de la vie intérieure, Vinci usa de moyens compliqués, et qu’il était le premier à essayer, qui ont fait la fragilité de son œuvre. Il n’en subsiste pas moins, dans celles qui nous sont parvenues à peu près intactes, un dessin sensible et fort, d’un équilibre serein et souple qui semble la solution des recherches de Verrochio, son maître, de Botticelli, et de Mantegna, un charme qui dépasse le laisser-aller de Perugin ; et par-dessus cela qui est la conclusion d’un siècle, une sensibilité de l’espace, une alchimie de la couleur, une ambiance de vie secrète, qui posent la question personnelle que tout grand artiste apporte avec lui, et qui ouvrent le xvie siècle.

C) XVIe siècle. — Libérée du cerne des lignes et de la tyrannie des murs, la peinture peut revendiquer, désormais, un rôle autonome d’incantation sensorielle. Vinci, Toscan, répandit hors de la région florentine, l’art dont il fut l’initiateur. C’est à Milan, où s’écoula une partie de sa vie, qu’une école tout entière suit sa manière. Da Predis, Solario, Bellrafio, Luini (1475-1532), artistes de talent secondaire, mais savants, amenuisent vers le joli, le charme du maître. Giovanni Bazzi, dit le Sodoma (1478-1549), fonde, à sa suite, la nouvelle école de Sienne. Mais l’influence de Vinci est encore sensible, jusqu’à l’imitation, chez de nombreux peintres du Nord, et les Flamands et Hollandais lui doivent en partie leurs recherches des effets et de la savoureuse matière. Enfin, Raphaël lui-même ajoute aux leçons indirectes de Francia, à la pratique apprise dans l’atelier de Pérugin, à la grandeur antique puisée chez Michel-Ange, quelque chose de plus secret qui vient de Léonard de Vinci.

Fra Bartolomeo (1475-1517) et, plus que lui, son disciple Andrea del Sarto (1486-1531) combinent cette influence avec celle naissante de Michel-Ange. Les derniers florentins sont emportés par le grand vent qui fond alors les écoles, à la fois vers le métier simple et libre de Venise, et vers l’emphase théâtrale qui achèvera lamentablement le siècle. Après eux, Pontormo et Bronzino, grand portraitiste, donnent parfois dans le maniérisme. Mais l’École florentine, entre temps, a éclaté sous la poussée formidable du génie de Michel-Ange.

Michel-Ange Buonarroti, florentin (1475-1564), remplit tout le xvie siècle. Formé à la peinture par Ghirlandajo, à la sculpture par un disciple de Donatello, il n’a plus, à partir de 18 ans, d’autres maîtres que les antiques qu’il interprète à sa manière. Sculpteur avant tout, architecte et poète, il ne devient peintre que par force, quand le pape Jules II lui impose, en 1508, de décorer le plafond de la Sixtine. La gageure se répète, en 1535, et le Jugement dernier complète le plafond. Michel-Ange organise la surface peinte en architecte. Il n’a souci d’aucun artifice : clair-obscur, transparence, jeu des couleurs. Avec des moyens pauvres et comme méprisants de la matière, il impose à la peinture une œuvre colossale qui violente la peinture et la dépasse. Il remonte, au-delà du xive siècle, à la conception idéaliste de l’œuvre d’art, au point extrême où il n’y a plus rien entre l’artiste et sa création que la projection idéale de lui-même. Lui disparu, la peinture n’est plus, sur les épaules de ses suiveurs, qu’une irréelle défroque. Un seul de ses disciples, Daniel de Volterra (1510-1566) n’est pas toujours inférieur à ses efforts vers le sublime. Quand Michel-Ange meurt,