cette coïncidence se produit au milieu de coïncidences multiples, c’est-à-dire quand l’antécédent et le conséquent sont mêlés et confondus dans une pluralité d’autres phénomènes, au contraire, un seul cas de coïncidence solitaire suffit à prouver un lien de causalité. Là, en effet, où un seul antécédent est donné, on ne saurait douter que cet antécédent ne soit la condition déterminante du phénomène. L’exclusion de tous les autres antécédents a exclu la possibilité de toute autre hypothèse. » C’est à réaliser la coïncidence solitaire que visent et les tables de Bacon et les méthodes de Stuart-Mill. L’on aboutit à des rapports que l’esprit généralise, en vertu du principe d’universel déterminisme. Mais alors que, dans les sciences peu avancées, les lois restent, en général, d’ordre qualitatif, en physique et en chimie, elles dépassent, habituellement, ce stade pour devenir quantitatives. On ne se borne plus à décrire les phénomènes et à énoncer l’influence qu’ils exercent les uns sur les autres : à dire, par exemple, que l’aiguille aimantée dévie sous l’action d’un courant électrique ou d’un autre aimant. Grâce à une analyse quantitative minutieuse, à un dosage rigoureux des éléments en présence, le rapport causal peut s’exprimer en langage mathématique. Nous sommes alors renseignés sur ce que deviennent les facteurs mis en jeu dans les séries de faits successifs ; et les prévisions indispensables au technicien s’obtiennent avec une grande facilité. Ainsi, grâce aux formules algébriques, l’ingénieur calculera avec toute la précision désirable les résultats que l’on peut attendre d’une machine électrique ou thermique donnée. La méthode des variations concomitantes est d’un grand secours pour lier les intensités qualitatives à des rapports numériques. Repérées selon une échelle métrique, les qualités sont, à chaque instant, traduites en chiffres. Le lien causal se réduit au rapport qui unit les éléments quantitatifs de la cause aux éléments quantitatifs de l’effet. Et l’on n’a plus qu’à trouver la fonction appropriée, le mot fonction étant pris au sens mathématique, dans le nombre prodigieux de celles que renferment l’analyse et l’algèbre. Pour établir la formule de la loi, fréquemment l’on fait, d’ailleurs, abstraction d’irrégularités minimes, mais systématiques, qui croissent ou décroissent d’une façon méthodique. C’est la preuve que la loi est inexacte ; elle peut, néanmoins, être d’un grand secours dans la pratique et demeurer à titre de loi approchée. D’un emploi continuel dans l’industrie, les lois approchées se trouvent à l’origine de presque toutes les découvertes importantes. Lorsque les erreurs systématiques décroissent progressivement, en fonction de certaines circonstances, on a une loi limite. La loi de Mariotte, par exemple, devient d’autant plus exacte que l’on s’éloigne davantage de la pression et de la température critiques, c’est-à-dire de la pression et de la température requises pour la liquéfaction des gaz. Quant aux erreurs qui se distribuent sans ordre, dans des limites assez étroites et toujours les mêmes, elles ne prouvent rien contre l’expression mathématique de la loi. Elles proviennent seulement de l’imperfection de nos procédés, du manque de précision de nos expériences. Et, grâce aux formules mathématiques, surtout aux équations différentielles et aux représentations graphiques, nous saisissons mieux le passage de l’état initial à l’état final dans les transformations diverses de la causalité. Etude de toutes les formes possibles de relations, les mathématiques apparaissent à la dernière étape de la méthode des sciences physiques ; elles ne rendent pas l’expérience inutile, elles la précisent et la clarifient seulement. Aussi la déduction joue-t-elle un rôle sans cesse accru. Sans doute les principes, qui lui servent de base, ne sont pas l’expression pure et simple des données expérimentales, mais ils ne sont, en aucune façon, arbitraires ; Duhem a tort de prétendre qu’on ne saurait les dire vrais ou faux. Ils reposent sur un fond
Si l’on considère maintenant les résultats auxquels ont abouti les recherches des physiciens, ils apparaissent merveilleux. Jamais le génie inventif ne s’est montré plus fécond qu’au xixe et xxe siècle. Ampère découvrit les lois de l’électromagnétisme ; Fresnel soutint la théorie des ondulations en optique ; Arago fit progresser l’étude des phénomènes lumineux et des phénomènes électriques ; Faraday attacha son nom a des travaux de premier ordre en électricité ; Niepce inventa la photographie ; avant Edison, Charles Cros, qu’on refusa de prendre au sérieux, imagina le phonographe ; Fulton appliqua la vapeur à la navigation ; Gramme, un simple ouvrier, a rendu pratique et facile l’utilisation, aujourd’hui considérable, des forces électromotrices ; Morse réalisa le télégraphe électromagnétique inscripteur de dépêches ; Graham Bell trouva le télé-