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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.1.djvu/8

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PAS
1974

beaucoup mieux à l’ensemble des capitalistes ; c’était un crime à leurs yeux de faire la moindre concession aux salariés. « Pactiser avec eux, dira ce charlatan de Gustave Le Bon, comme le font quelques riches bourgeois dans l’espoir d’attendrir ceux qu’ils considèrent comme leurs futurs vainqueurs ; est d’une pauvre psychologie. Toutes ces lâches et très honteuses faiblesses ne font qu’accroître l’audace des assaillants. De telles luttes ne comportent d’autre alternative que vaincre ou périr. Pactiser n’éviterait pas la défaite et engendrerait, outre la ruine, la honte dans le présent et le mépris de nos fils dans l’avenir. Rien ne servirait donc de continuer à masquer sa peur sous d’hypocrites discours philanthropiques auxquels ne croient plus, ni ceux qui les débitent, ni ceux qui les entendent. » On s’empressa d’oublier la comédie de la participation aux bénéfices, qui ne peut être qu’un trompe-l’œil en régime capitaliste. Le parasitisme, qui consiste à vivre du travail d’autrui, se rencontre déjà chez les animaux : le frelon pille le miel des abeilles, le coucou pond ses œufs dans le nid des autres oiseaux, etc. Mais, dans l’espèce humaine, il acquiert une puissance et un développement extraordinaires : une multitude d’individus vivent du labeur des autres, sans rien leur donner en échange. C’est le cas de rentiers, de propriétaires d’usines ou de fermes, de commerçants innombrables : tous gens qui se classent fièrement dans l’élite de la société et que les autorités protègent. Dans le système coopératif seulement, la participation aux bénéfices cesse d’être un leurre pour devenir une réalité : elle requiert la disparition du parasitisme comme condition essentielle. — L. Barbedette.


PARVENU [E]. adj. « Celui, celle qui a fait fortune, qui a passé de la pauvreté à l’aisance, à la richesse, à l’opulence. (Lachâtre) » Nulle époque n’est plus favorable à l’éclosion des parvenus que celle d’un grand bouleversement social : guerre ou révolution. Cependant il y a eu de tout temps des parvenus, hommes habiles, favorisés par leur audace, par leur manque total de scrupules et par les circonstances. M. Jourdain vendait du drap ; telle famille bourgeoise doit sa fortune à l’ancêtre trafiquant d’esclaves ; telle autre à l’acquéreur de biens nationaux, telle autre encore au fournisseur de matériel de guerre. Le parvenu a nécessairement tripoté avec la sueur ou le sang du peuple. Commerçant, industriel ou gros propriétaire foncier, il a exploité autrui autant qu’il a pu. Quand il est arrivé à la richesse, son insolence n’a plus connu de limites. Et cela s’explique : Voilà un homme, né dans le prolétariat ou dans la petite bourgeoisie, auquel l’abondance et le luxe de la classe riche en ont toujours imposé. Intelligent, avide de posséder, d’être enfin lui aussi — pourquoi pas ? — un des « heureux » de la terre (il ne conçoit pas d’autre sorte de bonheur), un jour, sous une de ses multiples formes, le moyen d’acquérir la fortune se présente à lui. Sans doute, pour ce premier pas, il faut tremper dans une affaire louche, passer sur les camarades, sur un frère, ou sur des cadavres, mais qu’importe ! L’ultime but de l’agitation humaine n’est il pas de parvenir ? Et le premier geste fait, le reste vient par surcroît. Voilà notre homme riche. Dissipées les craintes et les angoisses du début. Ce qu’il possède, il le doit — il en est persuadé — à sa valeur personnelle. Où quantité d’autres ont vainement essayé, lui a réussi. Un formidable orgueil s’empare de sa personne. Il a changé de classe. Et un de ses premiers besoins est de cacher ses origines. M. Jourdain veut être un parfait gentilhomme ; il devient mamamouchi ! Il achète au pape un titre de noblesse ; il a un château, une écurie de chevaux de courses, des ancêtres ! Il pousse à outrance les manières en usage dans « le grand monde), et se montre ainsi d’un parfait ridicule. « Un sot parvenu est comme sur une montagne, d’où tout le monde lui paraît petit, comme il paraît

petit à tout le monde » (Noël). Cependant tous les par venus ne se laissent point sottement griser par leur fortune. Certains, — les plus redoutables — conscients de leur force (l’argent permet tout), se retournent avec morgue vers leurs compagnons de la veille et deviennent pour eux d’impitoyables ennemis. Il semble qu’un besoin les pousse à racheter leur origine dans l’écrasement des pauvres qu’ils ont reniés. C’est l’histoire de tous les renégats. L’infâme Mussolini est un modèle de ce genre. Le parvenu est donc un être sans conscience, toujours dangereux ; et le prolétaire restera fraternel, secourable, humain, prêt aux besognes émancipatrices de demain tant qu’il s’opposera aux désirs malsains des parvenus, et tant qu’il pratiquera pour lui-même cette vertu nécessaire, définie par Albert Thierry, et qui a nom : le refus de parvenir. — Ch. B.


PASSIF, PASSIVITÉ (du latin pati, souffrir, endurer). Supporter une action sans chercher à s’y soustraire, ne pas agir, c’est être passif. Et le terme passivité désigne ce mode de comportement. En pratique ils sont l’immense majorité ceux qui renoncent à juger par eux-mêmes, à vouloir par eux-mêmes. C’est à l’Académie, à l’Église, au journal qu’ils demandent ce qu’il faut croire ; et pour agir ils attendent un mot d’ordre des chefs de file ou des autorités. Cette mentalité servile permet aux politiciens et aux capitalistes de les exploiter sans danger ; elle fait souvent le désespoir de qui voudrait l’affranchissement des masses populaires. Mais pourquoi redire ce que d’autres ont déjà dit tant de fois ? Creusons plutôt en profondeur le problème philosophique et moral de la passivité. Faut-il agir ou rester inerte, satisfaire nos désirs ou bien les supprimer ? Ni les religions, ni les philosophies ne concordent dans leurs réponses. Les différentes sectes de l’Inde recommandent d’ordinaire l’inaction. Elle est représentée comme l’idéal de la sagesse humaine par le Sankhya de Patandjali ; et le Nyavare proclame que l’activité est fille de la faute. Le Bouddhisme, réforme religieuse du Brahmanisme, s’inspire des vieilles croyances hindoues. Pour lui, la vie n’est qu’illusion et souffrance ; de l’existence naît le désir et le désir engendre la douleur ; des existences futures nous attendent, qui seront pleines de tristesse également, si nous ne parvenons à tuer tout désir par un renoncement complet. Ceux qui auront épuisé toute volonté de vivre entreront dans le nirvâna ; ceux qui ne l’auront supprimée que partiellement renaîtront sous des formes moins matérielles qui les rapprocheront du but final. A l’inverse du Jaïnisme, sorti lui aussi du Brahmanisme et qui prêche la cruauté envers soi-même, le Bouddhisme réduit la part de l’ascétisme et recommande surtout le renoncement moral et la charité. Sur la vraie nature du nirvâna, on a beaucoup discuté ; pour certains il consiste dans l’anéantissement total et complet, mais d’autres contestent cette interprétation. Schopenhauer s’est inspiré des doctrines bouddhistes. Dans le monde, tout veut, selon lui, car tout fait effort, désire vivre et agit. Une volonté inconsciente et aveugle, mais universelle, indestructible et nécessaire, se développe dans la matière inorganique, dans le règne végétal et animal, puis arrive à prendre clairement conscience d’elle-même dans le cerveau humain. Cette volonté impersonnelle donne ainsi naissance aux individus qui en sont des déterminations particulières. Elle ne saurait périr ; mais la volonté individuelle, c’est-à-dire l’effort qui constitue notre âme, peut disparaître puisqu’elle est soumise au temps et à l’espace. Chacun de nous doit donc s’appliquer à faire retour à l’inconscience, au nirvâna. Car vouloir « c’est désirer et faire effort ; c’est donc essentiellement souffrir, et comme vivre c’est vouloir, toute vie est par essence douleur. Plus l’être est élevé, plus il souffre. Voici le résumé de cette histoire naturelle de la douleur : vouloir sans motif, tou-