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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/112

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SOC
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élus sans considération de leur nationalité par l’Assemblée et le Conseil. Sa compétence s’étend à toutes affaires que les parties lui soumettront aussi bien qu’à tous les cas prévus par les conventions en vigueur.

Signalons comme autre organe : le secrétariat, dont le siège est à Genève. C’est le seul organe permanent de la société.

L’examen des principaux articles du pacte nous montrera qu’aucune des revendications fondamentales du pacifisme n’est réalisée.

Sur le désarmement, l’article 8 proclame, non pas qu’il faut tendre au désarmement total, mais que « le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l’exécution des obligations internationales prévues pour une action commune. »

Le principe formulé est certes un progrès sur la vieille formule « Si vis pacem para bellum » mais l’engagement moral n’a pas été tenu.

Tandis que les pacifistes les plus modérés, tout en admettant la guerre défensive, condamnent la guerre d’agression, le pacte permet la guerre offensive dans certains cas.

Signalons les articles 12 et 13 :

« Article 12. — Paragraphe 1. — Tous les membres de la Société conviennent que s’il s’élève entre eux un différend susceptible d’entraîner une rupture, ils le soumettront, soit à la procédure de l’arbitrage ou à un réglement judiciaire, soit à l’examen du Conseil. Ils conviennent encore qu’en aucun cas ils ne doivent recourir à la guerre avant l’expiration d’un délai de trois mois après la décision arbitrale ou judiciaire ou le rapport du Conseil. »

. . . . . . . . . . . . . . .

« Article 13. — Paragraphe 4. — Les membres de la Société s’engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout membre de la Société qui s’y conformera. Faute d’exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l’effet. »

Enfin le paragraphe 6 de l’article 15 dit :

« Si le rapport du Conseil est accepté à l’unanimité, le vote des représentants des parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les membres de la Société s’engagent à ne recourir à la guerre contre aucune partie qui se conforme aux conclusions du rapport. »

« Paragraphe 7. — Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous les membres autres que les représentants de toute partie au différend, les membres de la Société se réservent le droit d’agir comme ils le jugeront nécessaire pour le maintien du droit et de la justice. »

La portée des paragraphes les plus monstrueux, qui prévoient le recours à la guerre licite et légale, se trouve certes diminuée depuis la signature du pacte Kellog, condamnant la guerre en tant qu’instrument de politique nationale. Mais jusqu’alors les membres de la S. D. N. n’ont pu se mettre d’accord pour un amendement mettant en harmonie les deux pactes de Paris. On voit aussi dans ces deux articles que certains conflits restent sans solution lorsqu’il n’y a pas un rapport adopté à l’unanimité par le Conseil. Ajoutons aussi (paragraphe 8 de l’article 15) que le Conseil ne recommande aucune solution lorsqu’il reconnaît que le conflit porte sur un problème que le droit international laisse à la compétence exclusive d’un État. Figurent dans cette catégorie les principaux problèmes économiques, immigration, douanes, etc…

Enfin, dans leurs sentences, le conseil ou la cour de justice doivent tenir compte des traités existants, dont certains furent imposés par la violence. Or, c’est surtout la question de la révision des traités qui divise

aujourd’hui les peuples. Le président Wilson avait proposé que l’Assemblée puisse procéder aux deux tiers des voix, à la modification d’un traité. La suggestion fut repoussée. Le fameux article 19 dit seulement, « L’Assemblée peut, de temps en temps, inviter les membres de la Société à procéder à un nouvel examen des traités devenus inapplicables, ainsi que des situations internationales dont le maintien pourrait mettre en péril la paix du monde. »

Si insuffisant que soit cet article, l’intervention de la S. D. N. pourrait être précieuse, pour aider à régler les différends insolubles par la voie diplomatique ordinaire. Mais, jusqu’alors, en ce qui concerne le traité de Versailles, il n’a pas été utilisé. Venons ensuite au problème des sanctions.

Dans une fédération d’États désarmés, le pouvoir fédéral disposera de moyens de sanctions d’autant plus justes qu’elles s’exerceront directement sur les individus coupables d’attentat à la paix. De plus, une partie de l’organisation économique étant internationalisée, des mesures de pression économique ne dépendront plus du bon vouloir des gouvernements. Enfin, certains envisagent une force de police préventive.

De toute manière, une part importante de la puissance politique sera transférée à la communauté internationale.

La S. D. N. actuelle ne peut agir par elle-même. Ses sanctions dépendent du bon vouloir des États.

« Article 10. — Les membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les membres de la Société. En cas d’agression, de menace ou de danger d’agression le Conseil avise aux moyens d’assurer l’exécution de cette obligation. »

« Article 16. — Paragraphe 1. — Si un membre de la Société recourt à la guerre contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les membres de la Société. Ceux-ci s’engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État ou non de la Société. »

« Paragraphe 2. — En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers Gouvernements intéressés, les effectifs militaires navals ou aériens, par lesquels les Membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société. »

« Paragraphe 4. — Peut être exclu de la Société tout membre qui s’est rendu coupable de la violation d’un des engagements résultant du Pacte. L’exclusion est prononcée par le vote de tous les autres membres de la Société représentés au Conseil. »

On a vu, dans le cas du Japon que la seule sanction effectivement appliquée a été l’exclusion, alors qu’une grande fraction de l’opinion mondiale voulait des sanctions économiques.

Cet examen nous fait voir qu’il n’y a rien de commun entre le régime fédératif tel que nous l’envisageons à nos articles Guerre et Pacifisme et la S. D. N. actuelle. Nous savons tous les arguments que les libertaires, partisans pourtant de l’idée de fédération, peuvent opposer à l’idée d’un sur-État. On peut d’ailleurs concevoir une organisation de la solidarité des peuples qui ait pour objet et résultat de faire disparaître les principaux conflits plutôt que de les régler par voie d’autorité. Mais, en tous cas, l’expérience sur laquelle on doit se baser pour établir ses convictions sur l’efficacité d’un régime fédéral est celle des nations à forme fédé-