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SYP
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rait sur sa position intransigeante. Une telle unification serait non pas une synthèse mais un chaos. Certes, un simple rapprochement amical des anarchistes de diverses tendances et une plus grande tolérance dans leurs rapports mutuels (cessation d’une polémique violente, collaboration dans des publications anarchistes, participation aux mêmes organismes actifs, etc.) seraient un grand pas en avant par rapport à ce qui se passe actuellement dans les rangs libertaires. Mais nous considérons ce rapprochement et cette tolérance comme, seulement, le premier pas vers la création de la vraie synthèse anarchiste et d’un mouvement libertaire unifié. Notre idée de la synthèse et de l’unification va beaucoup plus loin. Elle prévoit quelque chose de plus fondamental, de plus « organique ».

Nous croyons que l’unification des anarchistes et du mouvement libertaire devra se poursuivre, parallèlement, en deux sens, notamment :


a) Il faut commencer immédiatement un travail théorique cherchant à concilier, à combiner, à synthétiser nos diverses idées paraissant, à première vue, hétérogènes. Il est nécessaire de trouver et de formuler dans les divers courants de l’anarchisme, d’une part, tout ce qui doit être considéré comme faux, ne coïncidant pas avec la vérité de la vie et devant être rejeté ; et, d’autre part, tout ce qui doit être constaté comme étant juste, appréciable, admis. Il faut, ensuite, combiner tous ces éléments justes et de valeur, en créant avec eux un ensemble synthétique. (C’est surtout dans ce premier travail préparatoire que le rapprochement des anarchistes de diverses tendances et leur tolérance mutuelle pourraient avoir la grande importance d’un premier pas décisif.) Et, enfin, cet ensemble devra être accepté par tous les militants sérieux et actifs de l’anarchisme comme base de la formation d’un organisme libertaire uni, dont les membres seront ainsi d’accord sur un ensemble de thèses fondamentales acceptées par tous.

Nous avons déjà cité l’exemple concret d’un tel organisme : la confédération Nabat, en Ukraine. Ajoutons ici à ce que nous avons déjà dit plus haut que l’acceptation par tous les membres du Nabat de certaines thèses communes n’empêchaient nullement les camarades de diverses tendances d’appuyer surtout, dans leur activité et leur propagande, les idées qui leur étaient chères. Ainsi, les uns (les syndicalistes) s’occupaient surtout des problèmes concernant la méthode et l’organisation de la révolution ; les autres (communistes) s’intéressaient de préférence à la base économique de la nouvelle société ; les troisièmes (individualistes) faisaient ressortir spécialement les besoins, la valeur réelle et les aspirations de l’individu. Mais la condition obligatoire pour être accepté au Nabat était l’admission de tous les trois éléments comme parties indispensables de l’ensemble et le renoncement à l’état d’hostilité entre les diverses tendances. Les militants étaient donc unis d’une façon « organique », car, tous, ils acceptaient un certain ensemble de thèses fondamentales. C’est ainsi que nous nous représentons l’unification concrète des anarchistes sur la base d’une synthèse des idées libertaires théoriquement établie.

b) Simultanément et parallèlement audit travail théorique, devra se créer l’organisation unifiée sur la base de l’anarchisme compris synthétiquement.


Pour terminer, soulignons encore une fois que nous ne renonçons nullement à la diversité des idées et des courants au sein de l’anarchisme. Mais il y a diversité et diversité. Celle, notamment, qui existe dans nos rangs aujourd’hui est un mal, est un chaos. Nous considérons son maintien comme une très lourde faute. Nous sommes d’avis que la variété de nos idées ne pourra être et ne sera un élément progressif et fécond

qu’au sein d’un mouvement commun, d’un organisme uni, édifié sur la base de certaines thèses générales admises par tous les membres et sur l’aspiration à une synthèse.

Ce n’est que dans l’ambiance d’un élan commun, ce n’est que dans les conditions de recherches de thèses justes et de leur acceptation, que nos aspirations, nos discussions et même nos disputes auront de la valeur, seront utiles et fécondes. (C’était précisément ainsi au Nabat.) Quant aux disputes et aux polémiques entre de petites chapelles prêchant chacune « sa » vérité unique, elles ne pourront aboutir qu’à la continuation du chaos actuel, des querelles intestines interminables et de la stagnation du mouvement.

Il faut discuter en s’efforçant de trouver l’unité féconde, et non pas d’imposer à tout prix « sa » vérité contre celle d’autrui. Ce n’est que la discussion du premier genre qui mène à la vérité. Quant à l’autre discussion, elle ne mène qu’à l’hostilité, aux vaines querelles et à la faillite. — Voline.


SYPHILIS n. f. Les maladies vénériennes se multiplient de façon ridicule. On a raison de s’en indigner quand on songe qu’il s’agit de maladies évitables et qu’il est stupide d’être malade quand on peut faire autrement. Il suffit de savoir et d’ouvrir l’œil. Trois fléaux sociaux absorbent l’attention : l’alcoolisme, la tuberculose, la syphilis.

De l’alcoolisme, maladie évitable, on a tout dit. Il est clair que l’homme, qui absorbe de la vinasse ou de l’eau de vie n’ignore pas qu’il s’empoisonne. S’il continue, c’est qu’il est sans énergie ou qu’il a du goût pour le suicide. Voilà donc une maladie formidable qui demain doit disparaître, si on le veut.

On n’en saurait dire autant de la tuberculose. Tout le monde la respire sans s’en douter. Si l’on peut, à la rigueur, éviter les contacts des poitrinaires, il est fort difficile de résister il la contagion qui dérive des crachats pulvérulents que les cracheurs malpropres, inconscients, mais malfaisants, répandent autour d’eux.

La syphilis, enfin, comme la blennorragie, est une maladie dont l’homme peut jouir à sa guise ou qu’il peut se refuser, s’il a quelque respect de sa santé. Il suffit de ne pas s’y exposer. Elle sera plus facile à guérir même que l’alcoolisme, que soutiennent encore quelques vieux préjugés sur l’alcool-aliment, sans compter les honteux intérêts capitalistes qui le soutiennent. Rien ne justifie ni n’excuse la vérole.


D’où vient que seules parmi les maladies visiblement contagieuses, les affections vénériennes soient arrivées à un tel degré de développement ?

Malgré toute leur notoriété, elles sont pourtant encore inconnues d’une foule de gens qui s’y exposent ingénument. Car on ne saurait trop rappeler qu’il existe une syphilis des innocents.

J’entends bien que beaucoup de citoyens sont si insouciants qu’ils restent indifférents aux maux dont ils peuvent être victimes. Ces gens dangereux ne m’intéressent point.

Bien plus intéressants sont les ignorants. Et l’on en compte une foule non pas seulement parmi les gens du peuple qui sont excusables, mais dans la classe dite cultivée, ayant reçu une instruction compliquée dans les hautes écoles. Le nombre de petits collégiens qui sont syphilisés les jours où ils sortent en permission, hors des chiourmes officielles où l’on est censé en faire des citoyens modèles, est énorme. Quand, à 18 ans, j’ai quitté le lycée pour apprendre la médecine, j’étais aussi ignorant des choses de la sexualité et de la vérole que le jour où j’ai quitté ma nourrice. Que de camarades sont contaminés en arrivant à la caserne où leur naïveté est l’objet de classiques railleries !

Duclaux, dans son Hygiène sociale, écrit : « Je deman-