rition régulière, enregistrable, et souvent prévisible, ne laisse prise à aucune contestation à l’égard de leur authenticité. Tel est le cas des éclipses de soleil et des aurores boréales, pour ne citer que des exemples bien connus.
Alors que les raisonnements de la philosophie abstraite n’ont donné lieu qu’à des systèmes incertains et contradictoires, tous plus ou moins discutables, selon le point de vue auquel on se place, le fait scientifiquement démontré, et démontrable, a ceci de particulier qu’il s’impose à tous par la force de l’évidence, et réduit à néant la possibilité des controverses.
Il a été dit de la Science qu’elle avançait parmi des ruines, la vérité du jour étant l’erreur du lendemain. Cette affirmation n’est pas conforme à l’exactitude. La réalité d’un fait scientifiquement prouvé est définitivement acquise, toujours. Ce qui change parfois, c’est l’interprétation du fait quant à sa nature exacte, et les hypothèses, c’est-à-dire les suppositions, auxquelles, de le constater avait donné lieu. Ce n’est point la même chose.
A mesure qu’un aviateur s’élève au-dessus du sol, le paysage apparaît pour lui beaucoup plus vaste qu’au moment du départ, et avec des aspects nombreux qu’il ne soupçonnait pas, mais ceci n’infirme point l’existence, et le souvenir, du terrain d’aviation dont il a pris son vol, et qui continue, quoique dans des proportions plus modestes pour l’œil de l’observateur, à faire partie du paysage. Ainsi en est-il pour l’homme de science, sans cesse avide de nouvelles découvertes.
Si ce que nous connaissons de l’univers, grâce aux méthodes scientifiques d’observation et d’expérimentation, ne fournit pas à tous les problèmes qui se posent devant notre conscience, une solution, il n’en demeure pas moins que la somme de nos connaissances positives s’accroît chaque jour, donnant aux humains des certitudes qui, pour être relatives, n’en sont pas moins autrement dignes d’intérêt que les données, imprécises ou suspectes, du mysticisme et de la raison pure.
Le rationalisme scientifique n’est pas une doctrine philosophique, mais une attitude intellectuelle, qui s’offre comme préférable à toute autre, jusqu’à nouvel ordre, en raison de l’excellence de ses résultats acquis. Alors que la raison pure s’efforce d’imposer à la réalité des faits, coûte que coûte, l’arbitraire de ses concepts, le rationalisme scientifique fait dépendre constamment la théorie de l’expérience et n’hésite pas à sacrifier les données de la théorie à celles de l’expérience, chaque fois qu’il existe entre elles deux un conflit. Le rationalisme scientifique ne condamne point la théorie, indispensable à l’explication des faits, et qui est d’une aide très précieuse pour faciliter les recherches, mais il n’accorde à la théorie que la valeur d’une supposition — disons : d’une donnée contestable et provisoire — tant que la théorie n’a pas reçu de la pratique une indiscutable confirmation. — Jean Marestan.
SCOLASTIQUE (adj. et n. f.) du latin schola, école. Beaucoup s’imaginent que la philosophique scolastique constitua un tout homogène, un système unique et que ses partisans adoptèrent les mêmes principes et les mêmes conclusions. En réalité elle comprit une nombreuse collection de doctrines contradictoires, enseignées dans les écoles d’Occident depuis Charlemagne jusqu’à la diffusion de l’imprimerie. Historiquement, Scot Erigène, Amaury de Chartres, David de Dinan sont à ranger parmi les scolastiques, malgré leur panthéisme hétérodoxe. Néanmoins, de cet amas confus d’idées adverses et de disputes quintessenciées un système général s’est dégagé, que l’on s’est remis à enseigner dans les séminaires, et qui réduit la philoso-
Au moyen âge, l’Église fut souveraine maîtresse en matière d’enseignement. Commenter l’Ecriture Sainte et les Pères, telle était la préoccupation essentielle des savants d’alors. Avant d’aborder les spéculations théologiques, les étudiants devaient toutefois subir une formation préalable, et d’ailleurs longtemps très rudimentaire, assurée par la connaissance du trivium (grammaire, logique, rhétorique) et du quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie). C’est sous le couvert de la logique que la philosophie reparut ; elle fut appelée scolastique ou philosophie de l’école. Comme pour la grammaire et la rhétorique, on utilisait la méthode herméneutique ou interprétative ; les professeurs se bornaient à lire à leurs élèves l’Isagoge de Porphyre puis les Catégories et l’Hermeneia d’Aristote, accompagnant leur lecture d’explications et de commentaires. Aussi toute question philosophique était-elle pour eux d’ordre logique ; ce qui explique leur goût pour les querelles de mots, les distinctions d’une subtilité outrancière, toutes les arguties d’une dialectique formaliste et purement verbale. C’est au début du XIIIe siècle seulement, et grâce aux écrits des savants arabes, que les philosophes scolastiques connaîtront les autres ouvrages d’Aristote. D’où les confusions et les erreurs prodigieuses qu’ils ont commises concernant la doctrine du Stagirite.
De plus, l’Église apportait des solutions toutes faites aux principaux problèmes et ne laissait qu’un champ fort limité aux discussions. Sous peine d’excommunication, et l’on sait que cette dernière aboutissait normalement à la prison ou au bûcher, il était interdit d’attaquer les dogmes ou d’y rien changer. Démontrer que foi et raison se concilient, apporter des arguments en faveur du credo catholique, fabriquer une fausse philosophie pour donner plus de vraisemblance aux grotesques assertions des théologiens, voilà le travail préféré des scolastiques. Mais on leur permit, dans le domaine restreint qu’on leur abandonnait, de se livrer à d’extravagantes acrobaties de langage, à des querelles de mots, à des disputes aussi bornées que celle qui mit aux prises les réalistes et les nominalistes. Constatons pourtant que les plus célèbres logiciens du XIIe siècle ne conservèrent qu’un médiocre crédit au siècle suivant, après l’introduction dans les écoles de la Physique, de la Métaphysique et du Traité de l’Âme d’Aristote. La diversité des sujets étudiés apparaît grande selon les époques ; la terminologie en usage et la forme du langage ont aussi beaucoup varié.
Parmi les premiers scolastiques, citons Alcuin, Raban Maur, Scot Erigine qui vécurent sous Charlemagne et ses successeurs, puis Gerbert au Xe siècle. Au XIe siècle commence la querelle des universaux ; elle dura pendant tout le moyen âge et mit aux prises nominalistes et réalistes. Roscelin affirma que les idées générales étaient de purs mots, flatus vocis, dénués de toute valeur objective. Pour Guillaume de Champeaux, son adversaire, les universaux ou concepts universels possèdent seuls, au contraire, une réalité véritable ; ce sont les individus qui ne sont que des noms, des apparences. Saint Anselme s’attacha surtout à l’étude de la théodicée ; il est l’inventeur de l’argument ontologique qui, pensait-il, fournissait une preuve irréfutable de l’existence de dieu. Mais les croyants eux-mêmes ont reconnu depuis qu’il s’agissait là d’un pur sophisme.
Abélard, 1079-1142, substitua aux doctrines opposées de Guillaume de Champeaux et de Roscelin un système intermédiaire, le conceptualisme, qui accorde une réalité, mais d’ordre purement subjectif, aux universaux : les idées ne sont pas de simples mots, elles répondent à des représentations mentales. On sait quel ro-