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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/4

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SAL
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Lorsque le salaire sera identique en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Russie, aux Indes, en Chine, en Amérique et au Japon, les travailleurs ne seront plus tentés de répondre aux offres des recruteurs de main-d’œuvre. S’ils se déplacent, ce sera de leur propre initiative, avec la certitude de retrouver partout des conditions de vie semblables.

De même que la réduction de la journée de travail permettra à tous de travailler, le salaire unique assurera à chacun — où qu’il se trouve — une vie décente. Le prix de la vie — à peu près partout identique — est d’ailleurs un argument de poids qui vient à l’appui de la revendication du salaire unique. La généralisation de la main-d’œuvre non qualifiée, l’introduction du manœuvre spécialisé dans les usines et les chantiers, aux lieu et place des professionnels complets, ont eu pour conséquence un nivellement général du salaire par le patronat.

C’est un autre argument de poids, au moins égal, qu’il convient d’utiliser. En opposant à la conception du nivellement par en bas, celle du nivellement par en haut, on obtiendra ainsi le salaire unique que le patronat ne peut plus combattre qu’avec des armes ébréchées par lui-même. Ah ! certes, il y aura, avant de parvenir au sommet, bien des paliers à franchir. Il faudra, sans doute, conquérir un salaire unique local, régional, corporatif, industriel, puis national, mais il ne faudra pas se décourager.

La réalisation du salaire unique, même local, fera plus pour faire tomber les barrières corporatives entre tous les ouvriers d’une même ville que toutes les réunions, tous les appels à la conscience. Le prolétariat, en plaçant la question des salaires sur ce terrain, est assuré de la poser sous son véritable aspect.

Le caractère international d’une telle revendication est évident et, sur ce terrain, face au capitalisme, le prolétariat a pris la seule position possible. En marchant vers l’homogénéité, en opposant au prix de vente unique — qui détermine la cherté de vie unique, qu’il subit comme consommateur — la revendication du salaire unique universel, il prouve son intelligence, sa clairvoyance, son esprit d’organisation et de méthode.

Par son caractère permanent et général, la revendication du salaire unique doit figurer au programme du Syndicalisme révolutionnaire international. Et le prolétariat doit avoir à cœur de la réaliser le plus rapidement, s’il veut qu’un jour, enfin, la question des salaires fasse vraiment un pas en avant.

Je considère, pour ma part, que c’est le seul moyen de sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes enfoncés, sans espoir, depuis toujours. — Pierre Besnard.


SALARIAT État de celui qui reçoit un salaire. Employé par opposition à patronat, état de celui qui paie un salaire. — P. B.


SALUT (Armée du). L’Armée du Salut est aujourd’hui une des institutions les plus en honneur dans le monde bien pensant et dirigeant. La presse publie ses communiqués et entonne ses louanges et elle jouit d’une réputation si bien établie ( ?) que, dans les milieux avertis et même dans les journaux qui se targuent de dire à leurs lecteurs la vérité, toute la vérité, on impose le silence aux reporters assez hardis pour oser s’y attaquer (Lectures du Soir, no du 10 septembre 1932). Récemment, le « Commissaire » qui préside à ses destinées en France, M. Albin Peyron-Roussel a été fait chevalier de la Légion d’honneur, et par M. Herriot, s’il vous plaît. M. Albin Peyron-Roussel est le fils d’un grand négociant de Nîmes, ancien président de la Chambre de commerce de Montpellier, protestant zélé, venu assez tard au Salutisme. M. Albin Peyron-Roussel épousa la fille du pasteur Napoléon Roussel, décédé récemment, qui eut des démêlés avec les autorités sous le second Empire.

Ceci simplement pour situer le milieu où se recrutent les dirigeants de cette organisation qui fait beaucoup de publicité autour de ses œuvres sociales, que des membres du gouvernement républicain et laïque honorent volontiers de leur présence aux jours d’inauguration.

Il y a un demi-siècle, lorsque les chapeaux 1830 des premières salutistes apparurent sur les boulevards, l’accueil fut loin de ressembler aux honneurs d’aujourd’hui. La fille aînée du fondateur de l’Armée du Salut, Miss Catherine Booth — plus connue sous le nom de la Maréchale — venait de débarquer à Paris, suivie d’un certain nombre de disciples enthousiastes et elle avait édifié son quartier général, non pas comme aujourd’hui, rue de Rome, ou naguère rue Auber, mais quai Valmy, mal éclairé alors, et plus mal fréquenté encore. Des réunions s’y tenaient chaque soir et chaque dimanche après-midi. Les costauds de la Courtille et du Combat s’amusaient fort de cette prédication intensive, de ces costumes bizarres, de ce journal En avant ! colporté dans les bouges et les assommoirs par des fillettes aux yeux candides dont l’accent trahissait la nationalité. Invités à assister aux réunions, les gars de la Villette obtempéraient, mais qui pourrait décrire le chahut dont était témoin la salle du quai Valmy, chahut homérique, inénarrable, où les imitations de cris d’oiseaux se mêlaient aux « aoh yes » et aux Interjections les plus grossières. Malgré la patience à toute épreuve des orateurs salutistes, ce chahut dégénérait parfois en des rixes qu’aucune intervention policière n’arrivait à calmer. Dans les rues, on poursuivait parfois à coups de pierre les vendeuses de l’En avant ! dont le populaire ne pouvait supporter le fameux chapeau 1830 et l’accoutrement sans grâce (pas plus ridicule, après tout, que le costume des ordres féminins religieux).

L’obstination véhémente des apôtres salutistes, en majorité anglais, provoqua un tel scandale que le préfet de police d’alors — qui n’était autre que M. Andrieux — fit appeler la Maréchale et l’informa que si le tumulte ne cessait pas, il interdirait de par son pouvoir discrétionnaire le port du chapeau des salutistes du beau sexe ou tout au moins des S garnissant le col des uniformes ou du ruban rouge qui porte en lettres dorées l’appellation : « Armée du Salut ». Aujourd’hui, M. Chiappe assiste aux cérémonies d’inauguration d’asiles ou de restaurants populaires créés par les salutistes. Comment expliquer le revirement toujours croissant des gouvernants vis-à-vis de l’Armée du Salut ? C’est qu’il faut distinguer deux phases bien distinctes dans l’histoire de cette puissante organisation religieuse.

En 1865, un pasteur de Londres, encore jeune, et déjà nanti d’une certaine réputation, William Booth, qui exerçait son ministère dans les quartiers populaires de Londres, se séparait de l’église méthodiste, ne jugeant pas cette organisation assez combative. Il créa, dans l’est de Londres, une œuvre d’évangélisation qu’il appela « Christian Mission », dont le but était de s’occuper de l’état spirituel des classes misérables de Whitechapel et des districts environnants. William Booth, organisateur de grande envergure et prédicateur de talent, ne rencontrait — bien qu’aidé par une femme supérieure et pieuse, sa compagne Catherine Booth, — qu’un succès relatif, lorsqu’il eut, en 1878, l’idée géniale de rompre avec la façon traditionnelle dont on présentait le christianisme au bas peuple et de transformer sa mission en une organisation militaire, avec des grades, des uniformes et des règlements, sans faire de différence entre les hommes et les femmes. J’ai dit que William et Catherine Booth rompirent avec la prédication évangélique traditionnelle ; en effet, ce ne fut plus uniquement dans des salles destinées à cet effet qu’ils annoncèrent « la bonne nouvelle du Salut », mais partout où ils avaient accès ou trouvaient une occasion : sous une tente, dans un cabaret, au fond d’une cave,