limitation de fabrication des gaz toxiques est impossible en raison de leur emploi en temps de paix. » Et cette autre : « En raison des résultats effectifs inouïs de la guerre des gaz, aucune nation ne saurait encourir le risque d’une convention qu’un adversaire sans scrupule pourrait violer. »
Voilà la conclusion (extraite des « Règlements militaires français » ) : « Respectueux des engagements internationaux auxquels la France a souscrit, le Gouvernement français s’efforcera, au début d’une guerre, d’obtenir du Gouvernement ennemi de ne pas user de ces armes de guerre ; si ces engagements ne sont pas observés, il se réserve d’agir suivant les circonstances. »
Que faut-il conclure ? La vérité : à savoir qu’en raison des formidables progrès d’une science sans conscience, d’un machinisme broyeur d’intelligence et d’âme, d’une technique démoniaque, il n’y a plus aujourd’hui de sécurité ni pour nous, ni pour personne. De sécurité, lorsqu’il est possible que nos femmes et nos enfants soient brusquement emportés dans une vague de gaz mortels ? Sinistre plaisanterie !
Nous contre-attaquerons, me dira-t-on. Soit, je l’accorde. Nous répondrons à la destruction de Paris, de Marseille ou de Lyon par la destruction de Berlin ou de Londres ou de Rome, que sais-je ! Mais en quoi la destruction de ces villes garantit-elle la sécurité des nôtres ? Tout le problème est là !
En conséquence, c’est se moquer du monde que de prendre précisément pour pivot de toute politique extérieure une idée qui, dans l’état présent des choses ne correspond plus à rien. Exactement.
La sécurité par les armements est une dangereuse illusion qu’il nous faut dissiper sans délai. Les armements ne garantissent plus aux peuples la sécurité. Les canons sont impuissants à barrer le passage à toute une escadrille d’avions porteurs d’explosifs et de bombes incendiaires. Et que peuvent fusils, canons, tanks et mitrailleuses contre une nappe de gaz ? Rien.
D’ailleurs, même militairement vaincue, envahie, la guerre se développant sur son territoire, une nation peut encore frapper dangereusement, sinon anéantir son adversaire victorieux, avec son aviation de bombardement pratiquement insaisissable.
Les armements ne nous défendent plus.
D’ailleurs, si les armements créent la sécurité, l’Allemagne — soyons attentifs à ceci — peut légitimement réclamer le droit de réarmer pour assurer sa propre sécurité. D’autre part, enfin, si les armements créent la sécurité, comment la guerre a-t-elle pu éclater dans l’Europe surarmée de 1914 ?
Par contre, l’histoire toute récente nous enseigne, d’expérience, qu’à des armements donnés répondent des armements rivaux qui rétablissent l’équilibre et cette concurrence contient en elle-même le pire danger de guerre qui soit. Notre sécurité réside ailleurs nous le verrons. Le désarmement n’est pas sa conséquence, il est sa condition.
III. Sécurité par le désarmement. — « L’histoire moderne fournit une preuve incontestable et accablante de la fausseté de ce principe selon lequel la sécurité d’une nation est en proportion de la puissance de ses armements. », disait Henderson, dans son discours inaugural (Conférence du désarmement, Genève, février 1932). Ce n’était là qu’un commentaire éloquent de l’article 8 du Pacte de la S. D. N. : « Les membres de la Société reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux… »
En outre, l’arbitrage obligatoire implique, exige même, un désarmement suffisant à écarter la menace d’une guerre brusquée venant paralyser, par son développement rapide de violence les centres vitaux d’un pays et, partant, sa défense possible. D’autre part, cet
Abandonnons résolument cette thèse longtemps classique : un pays doit être fort pour être en sécurité. La sécurité par les armements n’est d’ailleurs pas absolue, constante, mais relative et précaire. Nous le constatons : l’armement de l’un appelle le surarmement de l’autre. L’équilibre ou le déséquilibre des forces n’est pas en rapport constant. Il se déplace continuellement. Ainsi, le déséquilibre subsiste, en définitive. Prétendre fonder l’édifice de la Paix en déposant à sa base une masse d’explosifs, quel paradoxe extravagant ! Disons mieux : Quelle redoutable antinomie ! Quelle absurdité !
Il faut le dire et le répéter inlassablement, la course aux armements que fait prévoir l’échec définitif de la Conférence de Genève — dont on admet, par coupable légèreté, la possibilité dans certains milieux officiels français — accélérerait tout aussitôt cette course aux armements, ce serait la course fatale vers un universel suicide.
Un nouveau conflit serait tel qu’il constituerait, pour tous, un désastre sans précédent. Cette guerre plongerait l’univers civilisé dans un abîme de dévastation. Ce n’est pas l’habituel traité de paix consacrant, orgueilleusement, la gloire des uns et le misérable écrasement des autres qui en serait la conclusion, mais la révolution brutale, effroyable déchaînement d’appétits exaspérés par la misère et par la peur.
D’idées généreuses, constructives, aucune en de telles heures ! Ce que la guerre, dans son délire sanglant, aurait épargné peut-être, la bestialité l’emporterait. Il faut désarmer !
IV. Les éléments de la sécurité française. — Serrons le problème de plus près. Quels sont les éléments constitutifs, essentiels de la sécurité française ? Ce sont les suivants :
a) Notre armée ;
b) Le désarmement de l’Allemagne ;
c) Les accords internationaux. Apprécions-les sommairement.
a) Notre armée ? Une natalité décroissante réduit nos effectifs d’année en année. Relativement au potentiel démographique, nous serons bientôt, vis-à-vis de l’Allemagne seule, dans le rapport de 1 à 2. Ce serait une grave imprudence que de compter sur nos alliances pour rétablir la situation à cet égard. Reste, il est vrai, pour quelque temps encore, nos ressources coloniales. Elles ne sont pas d’un maniement facile. Nous ajoutons que pour ce qui est du potentiel industriel et chimique, le rapport de l’Allemagne à nous est de 5 à 1 ! Concluez.
b) Désarmement de l’Allemagne. — Nous nous rassurons en disant : l’Allemagne est militairement désarmée. Pour combien de temps encore ? Nous l’avons démontré : le désarmement de l’Allemagne n’était que la préface du désarmement général. Les peuples vaincus ont été désarmés il y a quatorze ans ; mais, ne l’oublions pas, en vertu d’un engagement solennel réciproque.
Nous savons comment cet engagement a été respecté.
Et, si Genève échoue en fin de compte, Hitler est fondé en droit à réclamer, pour son pays, la liberté des armements. La menace est claire. Nous sommes hors d’état d’y parer. C’est la guerre avant 10 ans ! En conclusion, caractère transitoire du désarmement allemand.
Dans ces deux cas, si la course aux armements reprend, nous serons rapidement distancés et finalement vaincus par notre voisine mieux outillée et plus industrialisée que nous.
De telles vérités ne peuvent être cachées.
c) Quant aux accords internationaux que nous ne pouvons, ici, analyser en détail, disons brièvement