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en vain. Elles se développèrent tellement que le clergé eut bientôt l’audace d’exiger des moribonds que la part de l’Église, appelée « part des pauvres », fût faite dans les testaments. Pour cela les testaments ne purent être écrits qu’en présence d’un prêtre, sous peine pour le mourant d’être traité comme coupable de suicide et d’être privé de la sépulture en terre bénite. On vit même s’établir une taxe fixe, un véritable impôt sur les successions que l’Église exigea avec l’approbation de plusieurs conciles. Non seulement les prêtres s’emparaient des biens des morts, mais ils jugeaient inutile de payer les dettes que ces morts avaient laissées !… La question de ce qu’on a appelé « les testaments des âmes » serait grosse de discussions et de compétitions dans tous les siècles à venir, car le débat dure encore, le clergé n’ayant jamais cessé de circonvenir les esprits faibles que lui livre l’approche de la mort. Les tribunaux ont toujours à s’en occuper.

L’ambition, la cupidité et la paresse avaient vite rattaché aux biens de la terre les prétendus représentants d’un Dieu qui n’avait pas une pierre pour reposer sa tête, et dont l’organisation en une caste élue par ce Dieu était la première des simonies. Dès le IVe siècle, pour commencer, le concubinage des prêtres rapportait de gros revenus aux évêques qui le frappaient d’impôts. D’après Corneille Agrippa, un de ces évêques déclarait que 11.000 prêtres lui payaient chacun un écu d’or par an. De même, les religieuses étaient déliées du vœu de chasteté moyennant impôt payé au pape.

La simonie la plus criminelle, parce qu’il en sortit, pour tous les peuples, des atrocités sans nom, fut dans les collusions entre les papes et les princes. Elles commencèrent officiellement lorsque l’Église accepta de donner à l’empereur romain Constantin une absolution que les prêtres païens lui refusaient ; l’Église, de plus, fit un saint de cet indigne personnage. Depuis, les rapports simoniaques entre princes et papes furent d’un profit extraordinaire pour l’Église qui, de plus en plus comblée, ne chercha plus qu’à s’imposer comme première puissance temporelle au-dessus de tous les princes du monde.

Au Ve siècle, Clovis, premier roi de France, acheta l’amitié et l’appui d’Anastase par de riches présents. L’Église le soutint dans ses guerres et, malgré les crimes de sa femme, Clotilde, elle en fit une sainte.

Au VIe siècle, le fameux Grégoire Ier pratiqua toutes les simonies dont il avait donné les définitions. Ricarède, roi des Goths, qui maintenait des lois cruelles contre les Juifs, lui ayant envoyé des présents, il le remercia en l’approuvant par la déclaration suivante, combien chrétienne !… « Quand la raison est maîtresse des actions d’un roi, elle sait faire passer pour justice la cruauté la plus implacable, pour louables les actions les plus coupables, et elle maintient les peuples dans l’asservissement » !… Le même Grégoire combla de louanges emphatiques, et des plus odieux encouragements à la crauté, la sanglante reine Brunehaut qui trouva toutes les complicités ecclésiastiques qu’elle désira grâce à ses largesses à l’Église. C’est encore ce Grégoire qui, pour se faire un allié contre l’Église d’Orient, félicita Phocas de son avènement au trône de Byzance dont il s’était emparé en faisant assassiner l’empereur Maurice et ses enfants. Ce pape, n’était-il pas bien digne d’être appelé « le Grand » et de faire un saint ?…

Au VIIe siècle, Léon II}} légitima, contre argent, le crime d’Eviga qui avait assassiné son père Wamba, roi des Wisigoths, pour prendre sa place.

Au VIIIe siècle, Jean VI approuva, contre argent, l’usurpation du trône de France par Pépin le Bref. Le même siècle vit les rapports les plus cordialement simoniaques de Charlemagne et de la papauté. Il en résulta les guerres contre les Lombards, les Arabes d’Espagne et les Saxons, dont 30.000 furent massacrés pour leur apprendre les douceurs du christianisme.

De plus en plus l’Église absolvait de leurs crimes ceux qui payaient pour cela et, en 1027, le synode de Limoges protesta inutilement contre la cour de Rome qui vendait l’absolution à des excommuniés à l’insu des évêques. C’est ainsi que, grandissant de plus en plus comme puissance temporelle, par ses tractations infâmes avec les monarques, l’Église se vit bientôt assez forte pour leur tenir tête et chercher à prendre la première place. La question de la nomination aux offices ecclésiastiques et des investitures, qui soulevait des convoitises de plus en plus ardentes et des appétits de plus en plus féroces, fut la torche qui mit le feu aux poudres. Dans l’église même, ce furent les violences, les fraudes, les crimes les plus inouïs, commis pour les élections des papes. Entre l’Église et les princes ce furent, pendant des siècles, des rivalités et des guerres qui mirent l’Europe à feu et à sang. De ce qu’on a appelé la Querelle des investitures sortit la longue guerre entre la papauté et l’empire d’Allemagne. « Cette guerre, dans laquelle la papauté et ses champions, incitant la félonie des sujets et l’ingratitude des enfants, montrèrent, plus encore que les empereurs, un audacieux mépris de toutes les lois qui sont la sauvegarde des sociétés humaines, eut pour cause réelle la prétention de Grégoire VII et de ses successeurs de soumettre toutes les Églises et tous les États de l’Occident à la domination absolue du pape, tant au temporel qu’au spirituel » (E. H. Vollet : La Grande Encyclopédie.) Quand les princes ne donnaient pas bénévolement des territoires et des richesses à l’Église, celle-ci les leur réclamait insolemment en criant qu’elle avait été dépossédée. Les moines du Mont-Cassin, célèbres par leur vandalisme et leurs tripatouillages, fabriquaient à cet usage de faux actes pour s’attribuer des domaines et des villes. Ils sortirent entre-autres une lettre apocryphe du pape Vitalien pour légitimer leurs possessions de Sicile. Tous les crimes de l’histoire ont à leur base les collusions simoniaques de l’Église et des princes : massacres d’hérétiques, Croisades, Guerre des Albigeois, Guerres de religion, révocation de l’Édit de Nantes, Guerre d’Espagne en 1822, expédition de Rome en 1849, pour nous en tenir à la France.

C’est là l’histoire sanglante, le drame de la simonie de l’Église. Ils mettent en cause les grands protagonistes, ces papes que leur insolence mégalomane poussait à se considérer comme supérieurs aux princes et égaux à Dieu. A côté, il y a ce qu’on peut appeler l’histoire comique et grotesque, la farce, la pitrerie à laquelle participa toute la hiérarchie ecclésiastique, mais surtout la vermine moinillante et séminariste, les marmitons, les laveurs de vaisselle, les videurs de bouteilles des cuisines épiscopales, qui font les queues-rouges, les paillasses et dépouillent les populations abruties avec une invention et une verve impayables, pour le compte du grand Papegaut et de toute sa volière d’oiseaux sacrés. Car l’ingéniosité des fripons d’Église n’a d’égale que la sottise de leurs victimes.

Ce fut d’abord le culte des reliques, invention mirifique qui prit les aspects les plus ahurissants et, peut-être à cause de sa grossièreté répugnante, rapporta les profits les plus inimaginables aux charlatans sans vergogne qui l’exploitèrent. Ce fut une exploitation cynique, sans discrétion et sans pudeur, du respect des foules pour les morts et, particulièrement, de leur vénération pour ceux que l’Église présentait comme des saints. Le concile de Trente, recommandant ce respect et cette vénération, ajouta insidieusement à son texte que « Dieu même faisait aux hommes beaucoup de bien par le moyen des corps des saints », et que « ce ne serait pas en vain que les fidèles fréquenteraient les lieux consacrés à leur mémoire ». C’était inviter les fidèles à rechercher les faveurs célestes par le moyen des reliques, et à pratiquer leur culte en