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sincères et meurent trompeurs. » (Vauvenargue). Qui est éprouvé, dit ou fait d’une manière franche.

La définition du mot sincère est bien celle que donne Vauvenargue. C’est en naissant que les hommes sont sincères. L’enfant est sincère autant que son éducation lui permet de le rester car, dans la vie, de son début à sa fin, l’homme est victime de ce qui l’entoure. Et tout y est fausseté, tromperie, mensonge. Dès sa naissance, la mère, par ignorance, par amour, ne sait que mentir à son petit. A la maladroite éducation de la famille succède celle de l’école ; c’est alors l’enseignement néfaste, l’éducation novice qui forment l’intelligence, le caractère de l’enfant et c’est vraiment miracle qu’il y ait quand même des êtres sincères parmi les hommes après une telle éducation. La famille, l’instituteur, le prêtre, à l’unisson, chantent faux aux oreilles de l’enfant qui, par lui-même, se rend compte qu’il n’y a rien de sincère autour de lui. Alors, selon le caractère, selon le tempérament que lui ont donné les auteurs de ses jours, il deviendra fourbe ou sincère comme eux.

Puis, pour arracher à l’adolescent tout ce que la nature a pu quand même lui incruster de sincérité, c’est la caserne qui parachèvera l’œuvre infâme pour faire de cet enfant, de ce jeune homme un soldat… Un soldat !… La sincérité, alors, n’a plus de moyen d’existence ; car pour rester un homme, il ne faut pas être un soldat. Aussi, ce qui se passe est affreux, car la sincérité serait la désobéissance, l’insoumission dont la conséquence serait l’emprisonnement, la souffrance, le martyre, la mort !

Et pourtant, malgré tout, il y a des hommes sincères ! N’est-ce pas une raison de ne jamais désespérer de l’humanité ? Et n’est-ce pas la preuve que nous aurions tort de nous décourager dans notre propagande toute de sincérité, de fraternité, de raison envers nos semblables, pour leur bonheur et pour le nôtre, pour le bien-être et pour la liberté de tous par l’entente sincère et la solidarité cordiale et franche entre nous tous.

Mais la sincérité n’est pas forcément la brutalité dans l’expression de nos meilleurs sentiments, en opposition aux mauvais sentiments des autres. Il y a, aussi, dans la sincérité la manière fraternelle de la faire comprendre à nos compagnons de misère. Elle s’allie là au sentiment de solidarité. Il est beau d’être sincère avec soi-même et avec les autres, mais il est bon de l’être, selon les milieux et les circonstances, avec tact, intelligence et camaraderie. Pour cela, il suffit d’être naturel en tout et partout, sans forcer son talent, sans gonfler sa vertu, c’est-à-dire modestement. Il suffit d’être sincère sincèrement, si je puis m’exprimer ainsi.


Être sincère, c’est pouvoir dire en face, à quiconque, ce qu’on pense… À condition de ne pas être soi-même ce que l’on reproche à autrui. Être sincère, c’est oser dire, à qui le mérite, ce que la plupart pensent sans le dire… À condition de ne pas ajouter en soi-même : « À sa place, je ferais comme lui. » Enfin, être sincère, c’est savoir en toutes occasions opposer la vérité au mensonge ; la franchise à l’hypocrisie ; la dignité à la bassesse ; la fierté à la platitude et vivre assez bien pour ne craindre ni critique ni calomnie des cuistres et des tartufes dont le monde est si abondamment fourni.

Une sincérité consciente et sûre permet de passer partout la tête haute et de ne jamais baisser les yeux devant qui que ce soit. C’est une telle sincérité qui fait la force de l’apôtre, du militant, qui fait honte aux timides, aux fourbes, aux valets et qui fait peur aux chiens de garde de l’Ordre, de la Propriété, de la Morale. — G. Yvetot.


SIONISME n. m. Le rêve millénaire des Israélites de reconstituer leur patrie ne cessa jamais d’être. Cependant, la Palestine ne comptait, au XIXe siècle encore,

qu’un nombre restreint de Juifs, occupée qu’elle était par les Arabes. En 1825, il n’y résidait que dix mille descendants d’Abraham. Aujourd’hui, il se trouve en Palestine une foison de colonies représentant toutes sortes de tendances : de l’individualisme au communisme en passant par la coopération.

En 1882, fut fondée la première colonie agricole, nullement communiste, située près du port de Jaffa. Elle fut tirée de la détresse par le baron Edmond de Rotschild qui, intéressé par cette tentative, créa d’autres colonies pour permettre à ses coreligionnaires de s’installer dans leur pays d’origine. Son programme, qui n’avait rien de communiste, consistait à acheter un terrain, et à y faire venir des Juifs qui s’adaptaient au métier d’agriculteur ; puis, ceux-ci étant devenus expérimentés, il partageait entre eux la terre. Chacun devenait propriétaire et indépendant. Il s’était ainsi formé une trentaine de colonies, toutes prospères, mais guère intéressantes au point de vue social. On y employait la main-d’œuvre salariée, de préférence aux Juifs, les Arabes.

Par suite de la grande guerre, il se produisit un changement considérable dans l’histoire des colonies sionistes. Les armées anglaises entraient à Jérusalem, sous la conduite du général Allenby, le 9 décembre 1917. Le 2 novembre de la même année, Lord Balfour, alors ministre britannique, dans une lettre au baron de Rotschild, avait déclaré officiellement que l’Angleterre « envisageait avec bienveillance l’établissement en Palestine du Foyer national juif et ferait tous ses efforts pour le faciliter. » Cette déclaration causa aux Juifs, toujours dans l’attente de la restauration de Sion, une vive exaltation, et donna une plus forte impulsion au mouvement sioniste. Des Juifs arrivèrent de tous pays et ce fut la naissance de colonies, selon le type des communautés agraires.

Il fut créé deux fonds nationaux, l’un pour la colonisation générale, le Keren Hayesod, l’autre de l’achat des terres, le Keren Kayemeth. Le Keren Kayemeth acheta des terres, mais contrairement à ce qui s’était passé dans les colonies du baron de Rotschild, ces domaines ne furent jamais aliénés. Les colons ne purent devenir que concessionnaires, et non pas propriétaires. Et cela pour diverses raisons : raison d’ordre religieux. Selon la Bible, « les terres ne se vendront pas à perpétuité, car la terre est à moi, dit l’Éternel », la terre doit rester commune « à tous les enfants de Dieu », elle ne peut être ni objet de vente ni objet d’achat. Elle devait donc rester entre les mains d’une même famille. Les récoltes seules pouvaient être vendues et seulement dans la période s’écoulant entre deux jubilés, c’est-à-dire tous les quarante-huit ans, époque à laquelle les terres devaient revenir à leur propriétaire. L’idée de la terre inaliénable est commune à toutes les civilisations primitives. Elle se retrouvait encore dans le système du mir russe. Mais si toutes les terres sont constituées en propriété nationale, c’est dans le but que toute la Palestine revienne un jour aux Israélites et que soit reconstitué le Royaume d’Israël.

Il y a encore une raison d’ordre économique. Le fond national juif bénéficiera de la plus-value de la terre qui est générale dans tous les pays où s’accroît la population (et non les propriétaires). Son revenu augmentera à chaque révision des baux et ce sera un budget suffisant pour l’État. Par ce système, le Keren Kayemeth conserve un droit de contrôle perpétuel sur la colonie pour les questions de salubrité et d’aménagement. Enfin cela évite au colon, pauvre à son arrivée, de débourser la somme nécessaire à l’achat d’une terre. Il n’a qu’un fermage peu élevé à payer. Le lieu d’élection des colonies juives est la vallée qui s’étend du lac de Tibériade au golfe de Haïffa (Jaffa), la plaine de Jézrael. Il s’en trouve également dans la plaine de Saron.

Le fonds national groupe les colons de façon qu’ils