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Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/182

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degrés intermédiaires qu’il faut pour que l’avenir puisse passer des uns aux autres sans effort et ne plus trouver en eux que des pressentiments semblables, alors qu’ils s’imaginaient eux-mêmes différer profondément. Et les hommes de ce temps sont unis à ceux qui les précèdent, à ceux qui les suivent par des relations nécessaires où se manifeste la continuité mystérieuse de notre action. Il n’est pas possible de fixer la minute, ni de désigner l’œuvre où ce que nous appelons aujourd’hui l’âme hellénique essaya de se définir pour la première fois. Nous ne pouvons que tourner les yeux vers celles qui commencent à tressaillir, sur qui semble passer le premier souffle de liberté et de joie spirituelle pour tenter d’y surprendre l’éveil à la beauté de vivre d’une nouvelle humanité.

Les jeunes femmes trouvées il y a vingt ans, près de l’Erechtheion, dans le remblai de soutènement du Parthénon, où les terrassiers grecs les avaient mises après le sac et l’incendie de l’Acropole par les soldats de Xerxès, ont peut-être les premières le sourire ivre qui l’annonce. Sans doute, le parfum des îles y domine. Elles songent surtout à plaire, elles sont femmes, une force amoureuse invincible rayonne d’elles, les environne et les accompagne d’une rumeur de désirs. Mais à voir leurs plans sûrs, leur net et puissant équilibre, on ne peut pas douter que l’artisan dorien qui travaillait alors à Egine, à Corinthe, à Athènes même, ait eu des contacts répétés avec l’immigrant ionien que la conquête perse a rejeté sur l’Occident.

Amenées d’Orient par les aventuriers de la mer, les hommes aux récits menteurs, enivrants et sauvages, elles se gardent bien d’effaroucher le monde austère et dur qu’elles sont venues visiter. Elles se tiennent immobiles, soutenant leur robe d’une main. Leurs cheveux roux qui pendent dans le dos et dont les tresses passent de chaque côté du cou pour retomber sur la poitrine, sont nattés et frisés, teints sans doute, et ruissellent de bijoux. Le front est diadémé quelque fois, le poignet cerclé de bracelets, les oreilles chargées de boucles. De la tête aux pieds elles sont peintes, de bleu, de rouge, d’ocre, de jaune et leurs yeux d’émail brillent dans leur visage souriant. Ces créa-