Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/21

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ment il nous livre ces réalités permanentes que tous les faits et toutes les minutes révèlent à ceux qui savent les voir et les vivre. Elles survivent aux sociétés humaines comme la masse de la mer aux agitations de sa surface. L’art est toujours « un système de relatons », et un système synthétique, même l’art primitif qui avoue, dans l’accumulation infatigable du détail, la poursuite passionnée d’un sentiment essentiel. Toute image, au fond, est un résumé symbolique de l’idée que se fait l’artiste du monde illimité des sensations et des formes, une expression de son désir d’y faire régner l’ordre qu’il sait y découvrir. L’art a été, dès ses plus humbles origines, la réalisation des pressentiments de quelques-uns répondant aux besoins de tous. Il a forcé le monde à lui livrer les lois qui nous ont permis d’établir progressivement sur le monde la royauté de notre esprit. Emané de l’humanité, il a révélé à l’humanité sa propre intelligence. Il a défini les races, il porte seul le témoignage de leur dramatique effort. Si nous voulons savoir ce que nous sommes, il faut que nous comprenions ce qu’il est.

Il est l’initiateur de quelques réalités profondes dont la possession définitive, si elle ne devait tuer le mouvement et par lui l’espérance, permettrait à l’humanité d’introduire en elle et autour d’elle la suprême harmonie qui est le but fuyant de son effort. Il est quelque chose d’infiniment plus grand à coup sûr que ne se le représentent ceux qui ne le comprennent pas, de plus pratique peut-être que ne se le représentent beaucoup de ceux qui sentent la force de son action. Né de l’association de nos sensibilités et de nos expériences pour la conquête de nous-mêmes, il n’a rien en tout cas de cette distraction désintéressée où Kant, Spencer, Guyau lui-même ont voulu limiter son rôle. Toutes les images du monde sont pour nous des instruments utiles, et l’œuvre d’art ne nous attire que parce que nous reconnaissons en elle notre désir formulé.

Nous avouons volontiers que les objets d’utilité première, nos vêtements, nos meubles, nos véhicules, nos routes, nos