Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art médiéval, 1921.djvu/20

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traditionalisme du Chinois sont nés du même besoin pessimiste d’éviter l’effort. Les Arabes n’ont échappé pendant quelques siècles aux conséquences de cette idée décourageante, que parce que le seul effort exigé d’eux par le prophète était un effort extérieur, répondant à leurs besoins essentiels de vie nomade et conquérante, et que le repos leur était promis dans la mort même où ils se précipitaient au galop de charge, laissant aux peuples vaincus le soin de travailler pour eux. Les Chinois n’y échappent encore que par leur absence d’idéalisme et leur esprit positif dont l’énergie s’emploie précisément à entraver et ralentir l’action. Mais les peuples généralisateurs de l’Occident, les peuples sensuels de l’Inde ne pouvaient en sortir qu’à la condition de profiter du repos même que leur imposaient ces doctrines pour replonger dans leurs sols les racines de leur instinct et réagir alors de toute leur puissance rajeunie contre l’esprit de renoncement où les disciples de Çakia-mouni et de Jésus avaient entraîné les foules intéressées à les entendre, en leur cachant le vrai visage des deux hommes qui furent tout amour et par suite toute action.

Maintenant que les religions éthiques appartiennent à l’histoire, maintenant que nous avons appris que le besoin moral perd sa puissance quand il prétend annihiler ou diminuer le besoin esthétique dont il n’est qu’un aspect, nous sommes assez forts pour reconnaître que le christianisme et le bouddhisme introduisirent dans le monde un admirable élément de passion. Aux Indes, à vrai dire, le bouddhisme n’avait jamais pris, vis-à-vis du brahmanisme, le caractère de radicale opposition que le christianisme adopta vis-à-vis des religions païennes. Il n’était pas l’esprit d’un sol et d’une race allant au-devant de l’esprit d’un autre sol et d’une autre race pour lui offrir le combat. Il était né du courant même qui poussait les peuples de l’Inde à mêler leur âme aux voix universelles, à demander aux voix universelles de pénétrer incessamment leur âme, il était une extension dans le monde moral du formidable sensualisme qui ne pouvait se refuser d’entendre l’appel des hommes quand il confondait leur esprit avec l’esprit des fauves, des forêts, des