Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art médiéval, 1921.djvu/36

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Un demi-siècle après l’incursion d’Alexandre, l’empereur Açoka était forcé de suivre l’entraînement général et d’élever quatre-vingt-quatre mille temples en commémoration d’un homme qui n’avait jamais parlé des dieux.

Que dura le bouddhisme aux Indes ? Sept ou huit siècles peut-être, une heure dans la vie de ces multitudes dont l’évolution historique dans le passé et l’avenir paraît aussi infinie et confuse que leur pullulation dans l’étendue. L’Inde, insensiblement, revint aux dieux védiques, le brahmane, appuyé sur le prince, reconstruisit la pyramide sociale et balaya de la terre des hommes l’espoir du paradis. Le bouddhisme se réfugia dans l’âme de quelques cénobites, et, par delà les frontières de l’Inde, alla conquérir l’Asie. Ainsi le christianisme, né de l’idéal sémitique, devait vaincre tout l’Occident, sauf les Hébreux. Une révolution ne conquiert pas l’instinct fondamental du milieu qui l’a provoquée.

C’est du fond même de la nature indienne que le mysticisme matérialiste était remonté lentement pour étouffer tous les désirs d’humanité suscités par le bouddhisme. Les temples dont les foules néophytes avaient semé le sol de l’Inde les ramenaient, pierre par pierre, à subir de nouveau la ritualisation des croyances primitives qui ne cessaient pas de constituer la source de leurs émotions. Le monument bouddhique proprement dit a presque disparu de l’Inde. Les Topes, les grands reliquaires de brique sont peut-être les seuls édifices qui ne soient pas consacrés à un dieu ayant figure matérielle. Encore l’histoire du Bouddha, toute sa vie se déroulant parmi les animaux et les forêts est-elle sculptée sur la porte. Les Chaïtyas, les basiliques qu’on bâtissait autour du premier siècle, ont déjà des chapiteaux faits de figures animales. Quand Çakia-mouni lui-même paraît dans le sanctuaire, c’est que son enseignement est oublié et que l’instinctif sensualisme a vaincu les besoins moraux.

Qu’importait aux foules de l’Inde ? Il leur fallait des formes à aimer. Les brahmanes n’eurent aucune peine à vaincre. Eurent-ils même conscience de leur victoire et la multitude misérable