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Page:Favre - Les entretiens spirituels d’Antoine Favre, 1601.djvu/41

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Philoſophes Payens de qui la docte eſcolle
Fait encor auiourdhuy tant de graues lecons,
Pour instruire le monde en combien de facons
Par la ſeule vertu iuſques aux cieux l’on vole,
Dittes ſi vous ſcauez, de quelle gloire folle
Succaſtes-vous le laict, Superbes enfoncons
Qui ne ſceutes iamais vous rendre nourricons
D humilité, vertu des vertus la buſſole ?
Non ne te vante plus, Socrate, que tes mains
Aient ouuert le ciel au reſte des humains,
Par les vertus des meurs le ciel ne peut s’acquerre :
Autre que mon Sauueur pour maiſtre ie ne veux,
Qui pour humble me rendre eſt deſcendu des cieux,
C’eſt la vertu du ciel, les autres de la terre.


59

Ce n’eſt pas ſans raiſon, que l’homme on accompare
A l’arbre renuerſé, dont la racine en haut
La cyme tend en bas, puiſque touſiours il faut,
Quil ait ſon cẽtre au ciel, qu’il ayt ſon Dieu pour phare :
Comme de ſon treſor vit le cœur de l’auare,
Et de tous autres biens rien du tout ne luy chaut,
Ainſi l’homme Chrestien né pour franchir ce ſaut
Doit touſiours tendre au lieu, ou git ſon bien plus rare :
Mais quel ciel voi-ie icy encor plus ranuersé ?
Vn Dieu fait homme en terre, vn homme au ciel placé,
Vn ciel tout criſtallin quint — eſſencé de marbre :
Eſtre humble par la Croix, & s’en glorifier,
Se voir n’eſtre que terre, & ſe deifier,
N’eſt-ce ranuerſer tout pour redreſser cet arbre ?