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Qu’eſt-ce que tu pouuois ô Dieu faire pour l’homme,
Que ta main n’ait ia fait pour le combler de bien ?
Il ne te ſuffit pas de l’auoir fait de rien,
S’eſtant deffait pour rien, tu le refais : Mais comme ?
L’ors que pour ſon péché ta iuſtice l’aſſomme,
Ta bonté le ſecourt & le dit eſtre ſien,
Pour le porter au ciel tu te fais terrien,
Tu te mets en ſa place, & le fais Dieu en ſomme :
Grec quiconque fus-tu, qui premier le voulus ?
Appeller petit monde, Hà que mal tu cognus
Sa grấdeur, puis qu’il peut ſon Dieu meſme comprếdre :
Du moins tu le deuois pour grand monde aduouër,
Encor eſt-ce le corps qu’il faut ainſi louër,
L’homme entier peut, s’il veut, grấd petit-dieu ſe rếdre.


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Si ie veux quelquefois mon ame te ſemondre
A pleurer viuement ta mort, & tes péchés
Dans ton dur eſtomac en douleur recherchés,
Pourquoy ne me veux-tu par tes larmes reſpondre ?
Chetiue tu deurois toute en larmes te fondre
Pour fondre quant & toy tes vices plus cachés,
Attens-tu de ton Dieu les traitz ia decochés,
Non pour te reueiller, mais pour plus te confondre ?
Hà tu n’as plus de ſang, tes vices l’ont ſuccé,
Ou s’il t’en reſte encor, ia ta mort l’a glacé,
Du moins meur de regret que ta douleur ſoit vaine :
Ce regret, quoy que ſec, tes péchés lauera,
Et ſi Dieu promptement ne te conſolera,
Ry, qu’a tes propres couſts il daigne auoir ta peine.