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L’Hymalaya

l’entremise de ces « officials » nous obligent, sinon à l’obéissance de la loi, tout au moins à la déférence pour ceux qui l’appliquent.

C’est donc à Kalka, gros bourg adossé aux premiers contreforts de l’Hymalaya, que nous laissons la machine et le chauffeur, pour monter à Simla, en chemin de fer ou en « tonga ». Ce dernier mode de transport réunit deux grands avantages : la célérité et le pittoresque ; il n’est pas étonnant, par conséquent, de voir le petit chemin de fer joujou, qui met douze heures à contourner la montagne, n’emporter que les bagages et les domestiques.

Les gens qui veulent voir le pays et ceux qu’une hâte spéciale d’arriver aiguillonne, choisissent le tonga. Nous sommes du nombre. Tous ces petits dog-carts à deux roues, excessivement bas, attelés à pompe de chevaux efflanqués, font le trajet Kalka-Simla à une allure singulièrement rapide. Les haridelles enfilent la route et sans désemparer elles galopent pendant sept ou huit milles. Des relais sont prêts à ces mêmes distances sur tous le parcours, ce qui permet d’arriver plus vite que par la voie ferrée, avec l’arrêt nécessaire pour le lunch dans un bungalow parfaitement organisé à mi-chemin. Peu à peu, on s’élève au-dessus des terrasses schisteuses qui soutiennent la route, les pentes de la montagne se fertilisent, l’orge, le blé, les maïs remplacent le riz et les feuillages des régions plus chaudes. Quelques arbres fruitiers portent des prunes, des pommes, très petites, mais parfumées, des vignes s’allongent en tonnelle d’un tronc à l’autre. En approchant des passes, la végétation devient vigoureuse, entremêlée d’espaces de roc rougeâtre et dénudé. Le regard cherche avidement les neiges ; l’on est impatient de n’avoir pas encore aperçu ces fameux sommets qui s’étalaient en grosses lettres sur les atlas de l’enfance et auxquels l’éloignement de notre continent prête la fascination d’une beauté difficile à atteindre. Subitement, à un détour de la route, se déploie l’immense panorama des pics immaculés qui se découpent sur le ciel en lourdes dentelures inégales. La masse des neiges se dresse faite d’une triple chaîne immense, éblouissante de blancheur, vierge d’empreintes humaines. Ces cimes restent inconquises, elles échappent à l’homme et gardent pour lui l’invincible attrait de l’inconnu ; mais pour subir toute leur séduction, il faudrait n’avoir jamais vu un soleil d’hiver s’abîmer lentement au sein de nos monts de Gascogne.

Au-dessous de ces géants Hymalayens, une chevauchée de pics grisâtres forment un cercle plus rapproché de nous. Dans le fond du paysage, le soleil luit sur des centaines de villas blanches, perdues dans des bois de déodoras centenaires auxquels on arrive par des chemins escarpés tapissés de mousses odorantes et d’œillets sauvages ; c’est Simla.