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Un Souverain Maratte

sation plus puissante et plus complète que celle de sa propre race. L’on n’éprouve pas, à Baroda, cette tristesse qui étreint le cœur dans certains États radjputs, lorsqu’on considère les efforts impuissants des souverains, voulant faire table rase de leurs vieux usages, pour adopter des coutumes irréconciliablement opposées à leur hérédité et à leur climat.

L’idéal de ces princes, dont les ancêtres sont des dieux, se réduit à vivre comme de simples fonctionnaires anglais, leurs ressources pécuniaires et intellectuelles ne leur permettant pas de faire comme le Gaikwar, un choix de roi, parmi les facilités et les agréments de la vie européenne. En abandonnant le luxe et les habitudes orientales, ils tombent dans la médiocrité de la camelote et le ridicule des idées toutes faites qu’on leur inculque dans un collège quelconque de « Rajkumar »[1].

Peut-être aussi le Gaikwar n’étant, en somme, qu’un parvenu, ne songe-t-on pas à regretter chez lui l’absence des traditions, dont l’oubli chez les fils du Soleil et de la Lune, les dépouille d’un immémorial manteau de gloire et de poésie.

Ainsi, il ne paraît pas étrange d’être invité par le Maharadja, l’on trouve tout naturel de lui voir manger des mets préparés par un cuisinier européen et servis par des maîtres d’hôtel français ; sa caste inférieure autorise ses inorthodoxies.

L’aspect de la table est des plus pittoresques ; l’or et le rouge du turban des convives jetant des notes vives dans l’étincellement trop neuf des aiguières d’argent, des assiettes de vermeil, des verreries, des surtout de fleurs chargés de bustes en biscuit.

La conversation du prince est des plus intéressantes, il émet d’une façon très libre ses idées religieuses, politiques, ses vues sur l’Inde future, sur la situation actuelle des princes indigènes.

Entr’autre chose, il me dit combien il regrette qu’une étude insuffisante de notre langue le prive de lire nos auteurs, particulièrement les historiens de l’épopée napoléonienne qui reste pour lui la page d’histoire immortelle, à laquelle il compare volontiers avec une grande fierté, l’asservissement de l’Inde par Shivaji le Maratte, dont la fortune fit celle de son ancêtre Pilaji Gaikwar.

Les Marattes, qui enlevèrent l’Inde aux Musulmans et la perdirent à leur tour dans la lutte contre les Anglais, sont une caste guerrière secondaire, très mélangée de sang aborigène, des cultivateurs devenus pillards dont on achetait les services et le nombre.

Après s’être battus à la solde des différents partis qui déchiraient l’Inde, ils s’unirent sous la conduite du chef Shivaji, hâtè-

  1. Collège pour les fils de Rafa.