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Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/171

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À Travers l’Inde en Automobile

rent la chute de l’Empire Moghol et à la faveur des désordres qui suivirent, s’emparèrent d’une grande partie du territoire indien.

C’est ainsi que se sont fondés les grands États Marattes, dont le plus important est celui de Baroda.

Après le repas, nous passons dans un salon attenant aux appartements de la Maharani, à laquelle j’ai exprimé le désir d’être présentée.

À l’invitation du Gaikwar, mon frère et le premier ministre nous accompagnent, admis aussi à paraître devant la princesse qui, bien à contre-cœur, observe encore un « demi-purdha », afin de ne pas froisser l’opinion populaire demeurée fidèle au vieil usage de la réclusion des femmes.

La Maharani vient à nous d’un pas lent, tenant par la main une jeune femme, sa belle-fille, dont le rayonnement de beauté majestueuse qui nimbe la souveraine fait mieux ressortir l’insignifiance. De taille moyenne, avec un port de tête souple et hautain à la fois, la princesse mère a les yeux très clairs, durs, la bouche décidée, adoucie par un sourire aussi rare qu’exquis. Ses cheveux soyeux, abondants, sont cachés par un sari de soie blanche lamée d’or qu’elle retrousse entre les jambes comme des pantalons bouffants, laissant voir les mollets et les pieds nus cerclés de perles. Elle porte au cou un collier d’émeraudes grosses comme des œufs de pigeon ; une torsade de perles lui tombe des épaules aux chevilles, quelques bagues de rubis et de diamants scintillent à ses doigts effilés ; ses bras, sans ornements, sont tatoués d’emblèmes religieux.

Le Gaikwar n’a que cette femme, mère de ses trois derniers enfants, son caractère entier, violent dit-on, sa rare intelligence, son sens très exact des affaires diplomatiques et politiques, ont eu, en bien des cas, raison de l’obstination et de l’absolutisme que montre parfois son mari dans la vie privée et les affaires de l’État.

Elle a sur lui une influence considérable dont elle use toujours pour l’amélioration de la condition féminine à Baroda.

Ses sujets lui doivent la création de nombreux hôpitaux, de dispensaires qu’elle visite elle-même avec sa fille ; une enfant remarquable, dont tout le monde déplore l’inhabilité à succéder à son père, au lieu et place de ses frères.

La Maharani parle et écrit couramment l’anglais, dont elle connaît toute la littérature. Le français lui est moins familier, mais elle garde de Paris, où elle a accompagné souvent le Gaikwar, un souvenir qu’aucun pays ne peut effacer.

Originaire de l’Inde méridionale, elle use de certaines libertés