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Page:Faydit de Terssac - À travers l’Inde en automobile.djvu/214

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L’Inde Portugaise

personnalités moins disparates que ne le sont les métis de l’Inde anglaise. Les deux atavismes ne se livrent pas de combats chez les Goanais. Certaines tendances portugaises se sont parfaitement accommodées des sentiments, des usages locaux ; cette race, plus faible, a subi l’ascendance des vaincus dans une mesure relativement considérable. L’on retrouve dans le métis portugais l’exquise urbanité, le soin méticuleux de ses vêtements, le souci de sa beauté, l’allure conquérante, les rodomontades des nations du Midi, admirablement alliées à la fierté, à la présomption, à la courtoisie musulmane. Ainsi, le fanatisme de la race mahométane renaît dans l’ardeur de la foi catholique des populations goavanaises, et le clergé métis y jouit d’une haute réputation de dévouement et de ferveur.

Nous débarquons au milieu d’un bois de cocotiers qu’à marée haute la vague envahit ; les troncs droits et lisses sont encore frais de ce perpétuel baiser des flots, le sable brille entre les racines, pailletées d’humidité, des tapis d’algues rougeâtres, des liserons bleus et roses purifient le regard attristé des scènes bourbeuses de la rivière. Un grand bâtiment se dresse derrière les bouquets de palmes vertes et luisantes ; le portail de bois est surmonté d’une Vierge dont la face souriante regarde la mer, gravée dans la pierre, s’enroulent à ses pieds, l’invocation des litanies : « Auxillium Chritianorum ora pro nobis. » Un marteau en fer forgé appelle un indigène indolent, qui nous introduit à l’intérieur du couvent. Le bruit de nos pas résonne sourdement sous les voûtes, des échos prolongés redisent nos paroles, la moisissure et l’oubli peuplent ces asiles de la prière et du renoncement. Des souffles nous effleurent, les boiseries craquent rongées par les insectes, le vent de l’océan entre en sifflant à travers les baies de fenêtres ruinées et le spectre des moines qui vécurent et moururent dans ces murs, loin de leur patrie, hante encore cette retraite, sous la forme d’un prêtre indigène dont la silhouette, vêtue de bure brune, se promène à pas lents dans un corridor. Gardien solitaire du couvent, il nous reçoit cordialement et nous offre son hospitalité, préférable à celle des auberges de Panjim. Deux cellules toujours prêtes attendent les visiteurs éventuels ; elles sont restées dans l’état où les trouva le départ des religieux européens qui abandonnèrent le monastère. Un dallage inégal couvre le sol, encadré de murailles dénudées, rugueuses, froides et austères. Un lit de sangle, une table, une carpette d’aloès meublent la pièce. Une fenêtre, étroite comme une meurtrière, découpée dans l’épaisseur de la maçonnerie a vue sur l’océan. Une main, maintenant réduite en poussière, a écrit sur l’appui,