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À Travers l’Inde en Automobile

véranda et un petit fox terrier se précipite sur nous en aboyant furieusement, malgré les coups de sifflet d’un homme qui cherche à le calmer et aussi à savoir ce qui amène des étrangers chez lui à cette heure-là.

Notre mésaventure expliquée, il nous offre avec une grande spontanéité son aide et celle de ses gens pour pousser Philippe jusqu’au hangar qu’il met à notre disposition. Quant à nous, en marchant tout droit, nous trouverons une large enseigne blanche : celle d’un hôtel où il suffira de tirer la bourse et la bobinette, et la chevillette cherra. Après une demi-heure de travail, Philippe est installé entre des pots de violettes de Parme et un tas de pommes de terre, tandis qu’un bougainvillier, dont une pousse folle rampe le long d’une corde d’ail et d’oignons, laisse tomber sur lui une pluie de clochettes mauves et inodores. Notre hôte hèle une voiture qui ferraille encore sur la route au trot de deux minuscules poneys et que mène un petit garçon de sept ans. C’est un bien singulier équipage que cette boîte oblongue, noire, close, posée d’une façon instable sur quatre roues à moitié décerclées qui chassent chacune vers un des points cardinaux, imprimant au véhicule un mouvement de balançoire écœurant.

Les harnais ne sont guère plus rassurants, guides en ficelles, sellettes en étoffe : l’un des poneys s’est débarrassé sans façon du mors. Il est indomptable. De la main droite le malheureux conducteur s’accroche en désespéré à la longue queue du récalcitrant pour l’empêcher de côtoyer obstinément le fossé ; en vain, c’est une galopade effrénée, une chevauchée burlesque qui se termine par la chute des deux quadrupèdes et une rixe entre le cocher et son « syce », une nécessité domestique de l’Inde qui cumule les fonctions de palefrenier et de valet de pied. Le chauffeur, dont la corpulence en impose à tous les indigènes, a vite ramené le calme par un coup de pied à l’un, une gifle à l’autre. Et les deux pauvres petits s’alignent devant nous, les mains jointes comme des saints gothiques, les yeux craintifs, émus, suppliants ; ils se frappent l’estomac avec de légers coups réguliers, sautant d’un pied sur l’autre en poussant des exclamations plaintives. Ils nous implorent en cette gazouillante langue bengali avec le charme de l’enfance et la ténacité de la cupidité.

L’aubaine d’un voyageur à mener à l’hôtel ou au fossé à cette heure tardive leur paraît inespérée ; ils insistent, ils affirment que même le « mota sahib », le gros homme pourra trouver place dans la voiture, ils font tâter les ressorts à mon frère, lui expliquant par une délicieuse mimique qu’ils porteraient mille kilos. Puis, leurs regards vont respectueusement à Siadous, ils le