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À Travers l’Inde en Automobile

beauté qui devrait accompagner le mélange de deux races, et on ne peut attribuer cette infériorité totale de leur personnalité qu’au sang aborigène, prédominant, dans les castes dont ils tirent leurs ancêtres maternelles.

Il serait intéressant, pour juger complètement des Eurésiens, de connaître des descendants de femmes brahmes et d’Européens, mais mon ami le médecin me déclare en souriant que ces unions là n’existent pas ; les femmes de sa caste sont des « déesses » et elles ne s’abaissent pas jusqu’à ceux dont les premiers parents ne furent pas, au moins, des demi-dieux.

Le temps passe assez agréablement à Chakdah ; c’est ainsi que s’appelle le bungalow des B… Nous faisons parfois de longues promenades dans les bois de bambous qui couvrent la contrée ; nous ne pouvons nous lasser d’admirer ces centaines de troncs verdâtres réunis en faisceaux qui se terminent par des panaches retombants de feuilles longues et légères que la brise agite, comme des plumets de duvet. Le Brahme vient souvent visiter les B… il amène régulièrement son ami le chef de gare, dont la réponse au sujet de l’huile, invariablement négative, commence à nous tourmenter. Il y a cinq jours que nous attendons cette essence. Pour nous faire patienter, on essaie de toutes les distractions procurables à Chakdah.

Une fois, la femme du médecin m’envoie ses bijoux : des glands d’or massif pour les oreilles, des serpents d’argent pour les chevilles, une chaîne que les Brahmines serrent autour des hanches, des étoffes en soie du Bengale pour m’habiller. On me photographie et les heures s’écoulent. Un autre jour, on dépique du riz pour nos hôtes et nous allons voir travailler les femmes coolies qui trépignent la paille blonde et celles qui, pour décortiquer, font retomber en cadence un levier de bois sur le grain.

Enfin, hier après midi, le chef de gare, incapable de venir nous annoncer la nouvelle attendue, nous a envoyé son secrétaire, Ragunath Chandra, pour nous prévenir de l’arrivée de l’essence.

Raghunat Chandra appartient à la caste des écrivains, les « Koïts ». Les premiers ancêtres de cette race intelligente, dont la finesse d’intuition et la culture intellectuelle ne le cèdent en rien à celle des Brahmes, seraient les serviteurs des cinq prêtres de Kanoj, attirés en Bengale par les largesses du roi Adisur, pour y célébrer un sacrifice védique, en 400 avant J.-C.

Raghunat, connaissant mon désir d’observer les curieuses coutumes de la vie des femmes dans l’intimité de leurs zénanas, me propose aimablement de me faire visiter sa maison avant notre départ.