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À Travers l’Inde en Automobile

Il nous mène tout d’abord au rez-de-chaussée, à la salle des porcelaines. Quelques très beaux vases de Chine ancien, des pièces de vieux Japon, des assiettes sur lesquelles combattent des dragons ailés aux tentacules menaçantes, de petites chimères vertes dont les gueules se fendent en un sinistre sourire composent la série de curiosités d’Extrême-Orient, pour lesquels le Nabab eut jadis une courte passion.

À l’armurerie, ses ancêtres ont réuni une collection très considérable et rare d’épées, de dagues, de lances, de couteaux indigènes, anciens et modernes.

Aux murs, luisent suspendus des boucliers ciselés, incrustés d’or, des poignards au manche court de cristal, des panoplies de casse-têtes en acier gravé. Dans les coins, des pics et des tridents portés par des hampes de bois précieux, menacent de leurs pointes émoussées quelque drapeau dont la vétusté ronge la gloire. Le sabre des exécuteurs, lame large et couverte de scènes guerrières, repose à côté d’un petit canon de bronze Louis XVI, dont les Français se servirent à Plassey ; une inscription à demi effacée s’enroule autour de la gueule étroite, je me penche et je lis : « Nyvenheim me fecit » — la Haye. — Il reste là comme un souvenir de cette alliance qui aurait pu donner l’Inde à la France et il explique peut-être la sympathie qu’éprouvent les princes pour notre titre de Français. Nous passons à la salle des Bijoux. Des rangées de masses portées devant les Nizams dans les fêtes officielles demeurent inutiles, mélancoliquement abandonnées. Il y en a de longues dont le bout est un panier plein de fleurs et de fruits locaux en filigrammes d’argent. D’autres représentent les phases solaires en or : quelques-unes sont faites de poissons, dont les queues retournées soutiennent un dessin en forme de pique du jeu de carte. La « Tonga », chaise à porteurs en argent massif, s’élève sur le dos de dauphins dont les nageoires sont en diamants, les yeux de rubis, les écailles d’or. Les parasols en brocart ancien frangé de perles, les boîtes à bétel, les brûle-parfums, les flacons et les aspersoirs d’eau de rose, les colliers, les aigrettes, les sceaux, les garnitures de turbans, les plaques de bras s’amoncellent dans les vitrines en somptueux désordre.

Dans le trésor héréditaire, des femmes de la maison, les yeux émerveillés, détaillent les bracelets de perles, les bagues dont les chatons éblouissent, comme des soleils, les rivières de diamants, les guirlandes d’améthyste et d’opale, des agrafes d’émeraude, larges comme la main et dont la splendeur n’est égalée que par les pendeloques du Shah de Perse, Entassés et comme dédaignés près de la porte, les filets, les caparaçons aux mailles d’or serrées pour les éléphants, rutilent, finement émaillés de fleurs en turquoise ;