Page:Fayol, Henri - Administration industrielle et générale, 1917.djvu/60

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L’ordre parfait exige de plus que la place convienne à l’agent et que l’agent convienne à sa place. The right man in the right place.

L’ordre social ainsi compris suppose résolues deux opérations administratives des plus difficiles : une bonne organisation et un bon recrutement.. Les postes nécessaires à la marche de l’entreprise ayant été fixés, on a recruté les titulaires de ces postes et chaque agent occupe le poste où il peut rendre le plus de services. Tel est l’ordre social parfait. « Une place pour chaque personne et chaque personne à sa place. » Cela paraît simple, et nous avons naturellement un tel désir qu’il en soit ainsi que lorsque, pour la vingtième fois, nous entendons affirmer ce principe par un chef de Gouvernement, nous évoquons aussitôt l’idée d’une administration parfaite. C’est un mirage.

L’ordre social exige une connaissance exacte des besoins et des ressources sociales de l’entreprise et un équilibre constant entre ces besoins et ces ressources. Or, cet équilibre est fort difficile à établir et à maintenir et d’autant plus difficile que l’entreprise est plus grande. Et quand il a été rompu, que des intérêts particuliers ont fait négliger ou sacrifier l’intérêt général, que l’ambition, le népotisme, le favoritisme, ou simplement l’ignorance ont multiplié inutilement les postes ou placé aux postes nécessaires des agents incapables, il faut beaucoup de talent, beaucoup de volonté et plus de persévérance que n’en comporte actuellement l’instabilité ministérielle pour faire disparaître les abus et rétablir l’ordre.

Appliquée à l’Etat la formule de l’ordre : « Une place pour chaque personne et chaque personne à sa place » prend une ampleur extraordinaire. C’est la responsabilité de la nation vis-à-vis de tous et de chacun, c’est le sort de chacun prévu, c’est la solidarité, c’est la question sociale tout entière. Je ne m’arrête pas davantage devant cette troublante extension du principe de l’ordre.