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MOINES ET LAMAS

Une étoffe que le lama a touchée ou nouée est le présent le plus commun ; mais tout ce qui vient de lui a un prix inestimable. Or, on a parlé de présents venant de sa propre personne, de son corps, entre autres de résidus de sa garde-robe offerts en globules à ses adorateurs, qui les garderaient avec soin comme des amulettes, ou bien les réduiraient en poudre pour en saupoudrer leurs aliments et les priser comme du tabac. Les récits des voyageurs modernes ne semblent pas confirmer ces étranges détails[1]. Faut-il conclure que les récits antérieurs sont controuvés ou que les usages ont été modifiés ? Nous ne savons. Mais nous ne craignons pas d’affirmer qu’il n’y a là rien que de conforme à la tradition bouddhique. Çâkya-mouni donnait volontiers des rognures de ses ongles et de ses cheveux. Ces reliques étaient gardées avec le plus grand soin. Pourquoi les dévots du grand-lama ne tiendraient-ils pas à en avoir de pareilles et n’accepteraient-ils pas toute chose émanant de sa personne ? De quoi la crédulité superstitieuse n’est-elle pas capable ?

Je n’insiste pas sur les pouvoirs politiques du dalaï-lama. En droit, ils sont considérables ; en fait, ils se réduisent à peu de chose. Il les délègue

  1. Pendant notre séjour à Lha-sa, dit Huc, nous avons beaucoup interrogé à ce sujet, et tout le monde nous a ri au nez. (Souvenirs, ii, p. 349.)