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phe : « Je vous apprends, lui
» disait-il, que j’ai un fils. Je
» remercie les dieux, non pas
» tant de me l’avoir donné,
» que de me l’avoir donné du
» tems d’Aristote ; J’espère que
» vous en ferez un successeur
» digne de moi, et un roi
» digne de la Macédoine. » Les espérances de Philippe ne furent pas trompées. Le maître apprit à son disciple les sciences qu’il possédoit, & cette sorte de philosophie qu’il ne communiquoit à personne, comme dit Plutarque ; ce qui ne donne pas de cette philosophie une bien bonne idée, car le vrai sage ne songe qu’à répandre ses lumières : on est allé jusqu’à croire. que cette philosophie était celle de Machiavel. L’usage qu’en a fait Alexandre confirme cette idée. Philippe lui érigea des statues, et fit rebâtir sa ville natale ruinée par les guerres. Lorsque son élève se disposa à ses conquêtes, Aristote, qui préférait le repos au tumulte des armes, retourna à Athènes. Il y fut reçu avec les honneurs dus au précepteur d’Alexandre, et au premier philosophe de son temps. Les Athéniens, auxquels Philippe avait accordé beaucoup de grâces à sa considération, lui donnèrent le Lycée pour y ouvrir son école. Il donnoit ordinairement ses leçons en se promenant, ce qui fit appeler sa secte, la secte des Péripatéticiens. Le succès de la philosophie d’Aristote ne fut pas ignoré d’Alexandre. Ce prince lui écrivit de s’appliquer à l’histoire des animaux, lui envoya 800 talens pour la dépense que cette étude exigeoit, et lui

ARI

donna un grand nombre de chasseurs et de pêcheurs, pour faire des recherches. Aristote, au comble de sa gloire, ne fut pas au-dessus des passions et des folies qui en sont l’effet naturel. Son amour pour la courtisane Pythaïs devint une espèce de fureur, qui le porta à l’ériger en divinité, et à lui rendre après sa mort le même culte que les Athéniens rendaient à Cérès. Eurymédon, prêtre de cette déesse, l’accusa de ne pas y croire : Aristote se retira à Chalcis, dans l’île d’Eubée (aujourd’hui Négrepont), pour empêcher qu’on ne commît une injustice contre la philosophie ; mais il aurait eu plus de bonne philosophie à ne pas diviniser la créature féminine qui lui tenait si fort à cœur. C’est sans fondement que quelques critiques modernes ont nié cette anecdote, comme si la vérité de l’histoire devait être sacrifiée à la gloire des hommes célèbres. Aristote mourut à 63 ans, l’an 322 avant J.-C., deux années après la mort d’Alexandre. Les Stagyrites lui dressèrent des autels, et lui consacrèrent un jour de fête. Il ne paraît cependant pas trop qu’il dût exciter tant d’admiration par ses vertus, ni par sa doctrine religieuse et morale. Sans parler des crimes dont Diogène Laërte et Athénée le disent coupable avec Hermias, de sa conduite insensée et impie envers Pythaïs ; on connoît les efforts qu’il fit pour décrier tous ceux qui avaient acquis quelque réputation, les médisances et les injures avec lesquelles il les opprima, les faussetés manifestes qu’il leur