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Image sans modèle ! idéal de ma vie !…
De loin je t’appelais, et je volais vers toi ;
Dès mes plus jeunes ans en vain je t’ai suivie !…
Tu fuyais toujours devant moi.

Les grâces de l’enfance animaient mon visage,
Mais ses jeux ne savaient déjà plus me charmer ;
Et, triste, devinant le bonheur d’un autre âge,
Je voulais vieillir pour aimer.

Et je n’ai point connu cette joie enivrante
Qu’à mes vœux innocens promettait l’avenir ;
Dans le passé désert, en vain mon âme errante
N’a qu’un rêve… pour souvenir !

Est-il dans nos forêts d’assez sombres demeures
Pour voiler à mes yeux les clartés d’un long jour ?
Quel assez lourd beffroi peut mesurer les heures
D’une jeunesse… sans amour ?

Nul objet ne distrait mon regard qui sommeille ;
Nul ordre ne m’arrête… ou ne me fait agir ;
Nul pas ne me conduit, — nul accent ne m’éveille ;
Pas un nom ne me fait rougir !