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Dans l’ivresse des vers, lorsque ma voix flexible
Modulait des accords que le monde admirait,
Mon cœur indépendant restait seul insensible
Aux chants d’amour qu’il m’inspirait.

Ainsi, lorsque les mers balancent son image,
Font trembler ses rayons sur les flots furieux,
L’astre pâle des nuits, insensible à l’orage,
Reste immobile dans les cieux ! …

J’ai vu tous ces heureux que le plaisir entraîne,
Dont le regard est tendre — et le souris moqueur :
L’un d’eux m’offrit l’attrait d’une brillante chaîne,
Mais il n’entendait pas mon cœur.

L’espoir de m’inspirer avait pour lui des charmes,
L’éclat de ma douleur flattait sa vanité,
Et, pour son cœur léger, tout le prix de mes larmes
Était dans leur célébrité.

Ce n’était point ainsi, pour charmer ma souffrance,
Que parlait à mon cœur le fantôme adoré ?
Ce n’était point celui qu’en mes jours d’espérance
Un songe heureux m’avait montré !