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Dieu, pour fuir la mort n’est-il aucun moyen ?
Quoi ! dans un jour peut-être, immobile et glacée !
Aujourd’hui l’avenir, le monde, la pensée,
Et puis, demain… plus rien.

La robe que j’avais dans ma dernière fête
Est fraîche encor ; les nœuds attachés sur ma tête
Ont gardé ces couleurs et ces reflets changeants
Dont j’admirais l’éclat dans une folle extase ;
Et moi, je vivrai moins que ces tissus de gaze
Et ces légers rubans !

Comme une frêle plante, un souffle m’a brisée,
Vous, mes sœurs, vous avez cette teinte rosée
De jeunesse et de vie. Oh ! votre sort est beau !
Et j’ai les yeux ternis, je suis pâle, abattue :
On dirait à me voir une blanche statue
Pour orner un tombeau.

On m’admirait pourtant, moi, fantôme, ombre vaine ;
La foule m’entourait comme une jeune reine ;
Mon pouvoir tout nouveau semblait encor bien long ;
Quelques bijoux formaient ma parure suprême,
Et puis mes dix-huit ans, comme un beau diadème,
Rayonnaient sur mon front.