Page:Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— XIII —

tairaient. Ce n’est point à elles qu’il appartient d’être un Homère, un Dante, un Shakespeare, un Corneille, un Goethe, un Byron ; elles ne se posent point comme Manfred sur les âpres sommets de la montagne pour saisir les perspectives de l’immensité et les révélations de l’infini, ce qu’elles chantent c’est le berceau de verdure aux abords mystérieux et touffus ; ce qu’elles chantent c’est…

Ce mot toujours le même et toujours répété, c’est l’amour, l’amour avec ses grandes joies et ses grandes tristesses, avec tous ses espoirs et toutes ses déceptions.

L’amour est, pour ainsi dire, la base de l’existence de la femme ; c’est son souvenir, dans le passé ; sa conscience d’être, dans le présent ; son rêve, dans l’avenir. Aussi ce sentiment domine-t-il victorieusement sur tout autre exprimé par ces chants ; elle y revient toujours. Quand il se fait qu’elle l’oublie, et qu’elle essaie quelque chanson nouvelle, alors c’est pour célébrer tout ce qu’il y a de gracieux dans la nature : la tête blanche du vieillard, la joue rose de l’enfant, l’hermitage dans la vallée, l’angélus qui prie, l’abeille qui butine, la rose qui fleurit. Nous ne prétendons pas qu’aucune femme ne se soit hasardée dans quelque genre de plus haute volée tel que la tragédie et le poème ; Catherine Bernard, Marie-Anne Barbier, Mme Dubocage seraient là pour démentir notre assertion ; mais, soit dit en toute politesse, elles ont prouvé, ce nous semble, qu’elles risquaient fort de s’égarer en s’éloignant trop de leurs sœurs.