Page:Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856.djvu/20

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— XIV —

C’est l’élégie, et l’élégie lyrique surtout qui cadre le mieux avec la voix de la femme. Son âme est une harpe éolique qui répond par une harmonie à chaque vibration ; aussi y a-t-il, de même qu’il en arrive pour la harpe éolique, certaine tristesse répandue sur l’ensemble des sons. Comme un thème favori au milieu de variations brillantes, quelques notes graves et mélancoliques reparaissent sans cesse dans le concert, et si quelque jeune poetessa enivrée des parfums du matin jette dans l’air son chant d’alouette et s’écrie triomphante : Quel bonheur d’être belle alors qu’on est aimée ! la ronde semble se ralentir, le brouillard devenir plus épais, et il s’élève un chœur lent, solennel, lugubre qui répond et qui dit :

 
N’est plus amour qui bien aimer faisait.

Nous l’avons énoncé déjà : les femmes-poëtes n’ont pris aucune part aux ardentes batailles qui se sont livrées dans l’arène littéraire ; à peine en ont-elles quelquefois reflété les chances. Nous les rencontrons au XVIe siècle sans esprit de réforme, au XVIIe sans dogmatisme classique, au XVIIIe sans philosophie railleuse, au XIXe enfin sans romantisme exagéré. Aimant la Poésie pour la Poésie elle-même, indépendamment de toutes formes, elles lui ont élevé un autel à l’écart et c’est leur cœur, tout leur cœur, rien que leur cœur, qui répand ses parfums au pied de cet autel comme un éternel encensoir.

„Elles ont senti, elles ont chanté, dit Ste  Beuve, elles ont fleuri à leur jour ; on ne les trouve que dans