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télémaque.

prie de vous conduire heureusement dans votre patrie, d’y confondre l’insolence de vos ennemis, et de vous y faire voir en paix Ulysse régnant avec sa chère Pénélope. Télémaque, je vous donne un bon vaisseau plein de rameurs et d’hommes armés ; ils pourront vous servir contre ces hommes injustes qui persécutent votre mère. Ô Mentor, votre sagesse, qui n’a besoin de rien, ne me laisse rien à désirer pour vous. Allez tous deux, vivez heureux ensemble ; souvenez-vous d’Aristodème : et si jamais les Ithaciens ont besoin des Crétois, comptez sur moi jusqu’au dernier soupir de ma vie. Il nous embrassa ; et nous ne pâmes, en le remerciant, retenir nos larmes.

Cependant le vent qui enflait nos voiles nous promettait une douce navigation. Déjà le mont Ida n’était plus à nos yeux que comme une colline ; tous les rivages disparaissaient ; les côtes du Péloponnèse semblaient s’avancer dans la mer pour venir au-devant de nous. Tout à coup une noire tempête enveloppa le ciel, et irrita toutes les ondes de la mer. Le jour se changea en nuit, et la mort se présenta à nous. Ô Neptune, c’est vous qui excitâtes, par votre superbe trident, toutes les eaux de votre empire ! Vénus, pour se venger de ce que nous l’avions méprisée jusque dans son temple de Cythère, alla trouver ce dieu ; elle lui parla avec douleur ; ses beaux yeux étaient baignés de larmes : du moins c’est ainsi que Mentor, instruit des choses divines, me l’a assuré. Souffrirez-vous, Neptune, disait-elle, que ces impies se jouent impunément de ma puissance ? Les dieux mêmes la sentent ; et ces téméraires mortels ont osé condamner tout ce qui se fait dans mon île. Ils se piquent d’une sagesse à toute épreuve, et ils traitent l’amour de folie. Avez-vous oublié que je suis née dans votre empire ? Que tardez-vous à ensevelir dans vos