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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/121

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LIVRE VI.


Calypso, ravie d’admiration par le récit de Télémaque, conçoit pour lui une violente passion, et met tout en œuvre pour exciter en lui le même sentiment. Elle est puissamment secondée par Vénus, qui amène Cupidon dans l’île avec ordre de percer de ses flèches le cœur de Télémaque. Celui-ci, déjà blessé sans le savoir, souhaite, sous divers prétextes, de demeurer dans l’île malgré les sages remontrances de Mentor. Bientôt il sent pour la nymphe Eucharis une folle passion, qui excite la jalousie et la colère de Calypso. Elle jure par le Styx que Télémaque sortira de son île, et presse Mentor de construire un vaisseau pour le reconduire à Ithaque. Tandis que Mentor entraîne Télémaque vers le rivage pour s’embarquer, Cupidon va consoler Calypso, et oblige les nymphes à brûler le vaisseau. À la vue des flammes, Télémaque ressent une joie secrète ; mais le sage Mentor, qui s’en aperçoit, le précipite dans la mer, et s’y jette avec lui, pour gagner à la nage un autre vaisseau, alors arrêté auprès de l’île de Calypso.


Quand Télémaque eut achevé ce discours, toutes les nymphes, qui avaient été immobiles, les yeux attachés sur lui, se regardèrent les unes les autres. Elles se disaient avec étonnement : Quels sont donc ces deux hommes si chéris des dieux ? a-t-on jamais ouï parler d’aventures si merveilleuses ? Le fils d’Ulysse le surpasse déjà en éloquence, en sagesse et en valeur. Quelle mine ! quelle beauté ! quelle douceur ! quelle modestie ! mais quelle noblesse et quelle grandeur ! Si nous ne savions qu’il est le fils d’un mortel, on le prendrait aisément pour Bacchus, pour Mercure, ou même pour le grand Apollon. Mais quel est ce Mentor, qui paraît un homme simple, obscur et d’une médiocre condition ? Quand on le regarde de près, on trouve en lui je ne sais quoi au-dessus de l’homme.

Calypso écoutait ces discours avec un trouble qu’elle ne