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TÉLÉMAQUE.

fils innocent. Le second, nommé Baléazar, fut envoyé à Samos, sous prétexte d’apprendre les mœurs et les sciences de la Grèce ; mais en effet parce qu’Astarbé fit entendre au roi qu’il fallait l’éloigner, de peur qu’il ne prît des liaisons avec les mécontents. À peine fut-il parti, que ceux qui conduisaient le vaisseau, ayant été corrompus par cette femme cruelle, prirent leurs mesures pour faire naufrage pendant la nuit ; ils se sauvèrent en nageant jusqu’à des barques étrangères qui les attendaient, et ils jetèrent le jeune prince au fond de la mer.

Cependant les amours d’Astarbé n’étaient ignorées que de Pygmalion, et il s’imaginait qu’elle n’aimerait jamais que lui seul. Ce prince si défiant était ainsi plein d’une aveugle confiance pour cette méchante femme : c’était l’amour qui l’aveuglait jusqu’à cet excès. En même temps l’avarice lui fit chercher des prétextes pour faire mourir Joazar, dont Astarbé était si passionnée ; il ne songeait qu’à ravir les richesses de ce jeune homme.

Mais pendant que Pygmalion était en proie à la défiance, à l’amour et à l’avarice, Astarbé se hâta de lui ôter la vie. Elle crut qu’il avait peut-être découvert quelque chose de ses infâmes amours avec ce jeune homme. D’ailleurs, elle savait que l’avarice seule suffirait pour porter le roi à une action cruelle contre Joazar ; elle conclut qu’il n’y avait pas un moment à perdre pour le prévenir. Elle voyait les principaux officiers du palais prêts à tremper leurs mains dans le sang du roi ; elle entendait parler tous les jours de quelque nouvelle conjuration ; mais elle craignait de se confier à quelqu’un par qui elle serait trahie. Enfin, il lui parut plus assuré d’empoisonner Pygmalion.

Il mangeait le plus souvent tout seul avec elle, et apprêtait lui-même tout ce qu’il devait manger, ne pouvant se