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LIVRE vii.

dulgence. Il ne restait plus autour d’Astarbé que certains complices de ses crimes les plus affreux, et qui ne pouvaient attendre que le supplice.

On força le palais : ces scélérats n’osèrent pas résister longtemps, et ne songèrent qu’à s’enfuir. Astarbé, déguisée en esclave, voulut se sauver dans la foule ; mais un soldat la reconnut : elle fut prise, et on eut bien de la peine à empêcher qu’elle ne fût déchirée par le peuple en fureur. Déjà on avait commencé à la traîner dans la boue ; mais Narbal la tira des mains de la populace. Alors elle demanda à parler à Baléazar, espérant de l’éblouir par ses charmes, et de lui faire espérer qu’elle lui découvrirait des secrets importants. Baléazar ne put refuser de l’écouter. D’abord elle montra, avec sa beauté, une douceur et une modestie capables de toucher les cœurs les plus irrités. Elle flatta Baléazar par les louanges les plus délicates et les plus insinuantes ; elle lui représenta combien Pygmalion l’avait aimée ; elle le conjura par ses cendres d’avoir pitié d’elle ; elle invoqua les dieux, comme si elle les eût sincèrement adorés, elle versa des torrents de larmes ; elle se jeta aux genoux du nouveau roi : mais ensuite elle n’oublia rien pour lui rendre suspects et odieux tous ses serviteurs les plus affectionnés. Elle accusa Narbal d’être entré dans une conjuration contre Pygmalion, et d’avoir essayé de suborner les peuples pour se faire roi au préjudice de Baléazar : elle ajouta qu’il voulait empoisonner ce jeune prince. Elle inventa de semblables calomnies contre tous les autres Tyriens qui aiment la vertu ; elle espérait de trouver dans le cœur de Baléazar la même défiance et les mêmes soupçons qu’elle avait vus dans celui du roi son père. Mais Baléazar, ne pouvant plus souffrir la noire malignité de cette femme, l’interrompit, et appela des gardes. On