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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/154

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LIVRE vii.

des vases percés ; où Ixion tourne à jamais sa roue ; où Tantale, brûlant de soif, ne peut avaler l’eau qui s’enfuit de ses lèvres ; où Sisyphe roule inutilement un rocher qui retombe sans cesse ; et où Titye sentira éternellement, dans ses entrailles toujours renaissantes, un vautour qui les ronge.

Baléazar, délivré de ce monstre, rendit grâces aux dieux par d’innombrables sacrifices. Il a commencé son règne par une conduite tout opposée à celle de Pygmalion. Il s’est appliqué à faire refleurir le commerce, qui languissait tous les jours de plus en plus : il a pris les conseils de Narbal pour les principales affaires, et n’est pourtant point gouverné par lui ; car il veut tout voir par lui-même : il écoute tous les différents avis qu’on veut lui donner, et décide ensuite sur ce qui lui paraît le meilleur. Il est aimé des peuples. En possédant les cœurs, il possède plus de trésors que son père n’en avait amassé par son avarice cruelle ; car il n’y a aucune famille qui ne lui donnât tout ce qu’elle a de bien, s’il se trouvait dans une pressante nécessité : ainsi, ce qu’il leur laisse est plus à lui que s’il le leur ôtait. Il n’a pas besoin de se précautionner pour la sûreté de sa vie ; car il a toujours autour de lui la plus sûre garde, qui est l’amour des peuples. Il n’y a aucun de ses sujets qui ne craigne de le perdre, et qui ne hasardât sa propre vie pour conserver celle d’un si bon roi. Il vit heureux ; et tout son peuple est heureux avec lui : il craint de chaîner trop ses peuples ; ses peuples craignent de ne lui offrir pas une assez grande partie de leurs biens : il les laisse dans l’abondance ; et cette abondance ne les rend ni indociles ni insolents ; car ils sont laborieux, adonnés au commerce, fermes à conserver la pureté des anciennes lois. La Phénicie est remontée au plus haut point de sa grandeur et de