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LIVRE vii.

raissent majestueux, mais qui ravagent toutes les fertiles campagnes qu’ils devraient seulement arroser.

Après qu’Adoam eut fait cette peinture de la Bétique, Télémaque, charmé, lui fit diverses questions curieuses. Ces peuples, lui dit-il, boivent-ils du vin ? Ils n’ont garde d’en boire, reprit Adoam, car ils n’ont jamais voulu en faire. Ce n’est pas qu’ils manquent de raisins, aucune terre n’en porte de plus délicieux ; mais ils se contentent de manger le raisin comme les autres fruits, et ils craignent le vin comme le corrupteur des hommes. C’est une espèce de poison, disent-ils, qui met en fureur ; il ne fait pas mourir l’homme, mais il le rend bête. Les hommes peuvent conserver leur santé et leur force sans vin ; avec le vin, ils courent risque de ruiner leur santé, et de perdre les bonnes mœurs.

Télémaque disait ensuite : Je voudrais bien savoir quelles lois règlent les mariages dans cette nation. Chaque homme, répondait Adoam, ne peut avoir qu’une femme, et il faut qu’il la garde tant qu’elle vit. L’honneur des hommes, en ce pays, dépend autant de leur fidélité à l’égard de leurs femmes, que l’honneur des femmes dépend, chez les autres peuples, de leur fidélité pour leurs maris. Jamais peuple ne fut si honnête, ni si jaloux de la pureté. Les femmes y sont belles et agréables, mais simples, modestes et laborieuses. Les mariages y sont paisibles, féconds, sans tache. Le mari et la femme semblent n’être plus qu’une seule personne en deux corps différents. Le mari et la femme partagent ensemble tous les soins domestiques ; le mari règle toutes les affaires du dehors : la femme se renferme dans son ménage ; elle soulage son mari ; elle paraît n’être faite que pour